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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

Kaboul, Afghanistan, 17 février 2024. Un institut privé dans l’ouest de Kaboul où les filles suivent le programme américain en anglais, mais ne peuvent obtenir aucun certificat officiel d’éducation afghan, ni aller à l’université en Afghanistan, fermée aux femmes. C’est un cas rare où l’école a réussi à obtenir l’approbation locale des talibans pour fermer les yeux sur ses activités avec des adolescentes. © Kiana Hayeri pour la Fondation Carmignac

No Woman’s Land 

l’exposition sur l'impossible vie des femmes et des filles en Afghanistan

Kaboul, Afghanistan, 17 février 2024. Un institut privé dans l’ouest de Kaboul où les filles suivent le programme américain en anglais, mais ne peuvent obtenir aucun certificat officiel d’éducation afghan, ni aller à l’université en Afghanistan, fermée aux femmes. C’est un cas rare où l’école a réussi à obtenir l’approbation locale des talibans pour fermer les yeux sur ses activités avec des adolescentes. © Kiana Hayeri pour la Fondation Carmignac

De janvier à juin 2024, la photographe Kiana Hayeri et la chercheuse Mélissa Cornet – lauréates de la 14e édition du Prix Carmignac du photojournalisme dont nous sommes partenaires – ont parcouru sept provinces de l’Afghanistan pour enquêter sur les conditions de vie imposées aux femmes et aux filles par les talibans. L’exposition « No Woman’s Land. Un regard intime sur la situation des droits des femmes en Afghanistan » restitue ce remarquable travail documentaire du 25 octobre au 18 novembre, à Paris.

Témoignages, photos, dessins, vidéos, aquarelles... : à travers cette exposition, Kiana Hayeri et Mélissa Cornet rapportent le point de vue de ces femmes et filles afghanes, à qui les droits sont retirés et les vies sont empêchées. Elles en ont rencontré une centaine : des filles interdites d’école et enfermées chez elles, des femmes journalistes et activistes luttant obstinément pour leurs droits, des mères horrifiées de voir l’histoire se répéter pour leurs filles ainsi que des membres de la communauté LGBTI+, plus menacés que jamais.

📅 Du 25 octobre au 18 novembre Exposition | AFGHANISTAN : NO WOMAN’S LAND. Un regard intime sur la situation des droits des femmes en Afghanistan. Un reportage collaboratif de MÉLISSA CORNET et KIANA HAYERI pour le Prix Carmignac du photojournalisme, en partenariat avec Amnesty International France.

📍 Réfectoire des Cordeliers 15 rue de l’Ecole de médecine, 75006 Paris (métro Odéon).

Entrée libre sans réservation, tous les jours de 11h à 19h.

📍 Port de Solférino (face musée d’Orsay) Du 31 octobre au 18 décembre, accès libre en extérieur.

Cette double exposition a lieu dans le cadre du festival PhotoSaintGermain.

Sous la loi talibane

Kiana Hayeri et Mélissa Cornet ont documenté la manière dont les talibans ont systématiquement éliminé les femmes de la vie publique en leur retirant leurs droits les plus élémentaires : aller à l’école, à l’université, travailler, s’habiller comme elles le souhaitent, fréquenter les bains et les parcs publics, et même les salons de beauté.

Lire aussi Afghanistan : la guerre des talibans contre les femmes

« Ce qui a toujours été la priorité pour nous, c'était la sécurité des femmes qu'on rencontrait et des personnes qui travaillaient avec nous. On savait qu'on ne risquait pas autant qu’elles », explique la chercheuse Mélissa Cornet.

Les femmes n'existent pratiquement plus dans l'espace public.

Mélissa Cornet, chercheuse

Faizabad, Badakcshan, Afghanistan 11 mai 2024. Une affiche déchirée montre comment les femmes sont censées se couvrir le visage : avec une burqa, ou chadari, qui couvre tout le visage, ou avec un niqab, qui ne laisse que les yeux découverts. © Kiana Hayeri pour la Fondation Carmignac

Faizabad, Badakcshan, Afghanistan 11 mai 2024. Une affiche déchirée montre comment les femmes sont censées se couvrir le visage : avec une burqa, ou chadari, qui couvre tout le visage, ou avec un niqab, qui ne laisse que les yeux découverts. © Kiana Hayeri pour la Fondation Carmignac

« Selon les provinces, les villes, les villages, les ethnies, etc., la loi talibane sur le traitement des femmes est différente. Dans le sud de Kaboul, dominée par l'ethnie hazara, c'est assez ouvert. En revanche, dans d’autres quartiers, vous ne verrez jamais aucune femme dans les rues. C’est pour cela que, dans notre reportage, la quasi-totalité des photos de femmes et de filles ont été prises en intérieur », précise la photographe Kiana Hayeri.

Kaboul, Afghanistan, 2 mars 2024. Un groupe d’adolescentes fêtent l’anniversaire de leur amie dans sa maison. 
La musique et la danse ont été interdites par les talibans, mais les femmes continuent de danser et de faire la fête dans l’intimité de leur maison.
 © Kiana Hayeri pour la Fondation Carmignac

Kaboul, Afghanistan, 2 mars 2024. Un groupe d’adolescentes fêtent l’anniversaire de leur amie dans sa maison. La musique et la danse ont été interdites par les talibans, mais les femmes continuent de danser et de faire la fête dans l’intimité de leur maison. © Kiana Hayeri pour la Fondation Carmignac

Extrait de l’essai de Mélissa Cornet "La joie comme forme de résistance" :

« L’emprise des talibans sur la vie des femmes est si forte et les paramètres de leur liberté si restreints qu’il suffit d’un minuscule écart pour que cela soit considéré comme une résistance par les dirigeants draconiens. Pour les femmes et les jeunes filles, le simple fait d’exister peut sembler presque impossible. Aller se promener, danser avec des amis, jouer de la musique sont autant de défis aux plus de 80 règles, édits et décisions des talibans contre les droits des femmes [...]

La plupart des moments de joie se déroulent derrière des portes closes, dans ce qui reste du territoire des femmes. À l’abri dans l’intimité de leur foyer, les femmes et les jeunes filles se défont de leurs burqas ou abayas, et hijabs pour dévoiler des vêtements colorés. Ce n’est que dans les maisons les unes des autres qu’elles peuvent désormais trouver ces quelques moments précieux de fraternité et de réconfort ensemble, étant exclues de tous les autres lieux où elles passaient du temps ensemble auparavant [...]

En fin de compte, ces petits actes de joie ne sont pas seulement un défi aux règles des talibans, mais aussi un défi à l’obscurité qui cherche à les engloutir tout entières. Ils rappellent que même dans l’hiver le plus rude, il y a une lumière qui s’allume, cachée, mais vivante. »

Les filles, l’école et la clandestinité

L’Afghanistan est le seul pays au monde où femmes et filles sont interdites d’enseignement secondaire et supérieur. Les seuls accès à l’éducation supérieure pour les jeunes filles afghanes sont des écoles clandestines. Les élèves sont même incitées à transporter leurs livres et leurs stylos dans un sac en plastique plutôt qu’un sac à dos, qui pourrait éveiller les soupçons. Mélissa Cornet et Kiana Hayeri ont rencontré ces élèves et ces enseignantes qui bravent les interdits. Celles-ci leur ont exprimé leurs craintes de fermeture, d’arrestation et d’emprisonnement.

Gardi, district de Ghosta, Nangarhar, Afghanistan, 13 février 2024. En l’absence de bâtiments scolaires dans le district de Gardi Ghos, des classes sont installées pour les élèves, entre deux routes principales, sous le soleil et sur un sol en terre battue. © Kiana Hayeri pour la Fondation Carmignac

Gardi, district de Ghos, Nangarhar, Afghanistan, 13 février 2024. En l’absence de bâtiments scolaires dans le district de Gardi Ghos, des classes sont installées pour les élèves, entre deux routes principales, sous le soleil et sur un sol en terre battue. © Kiana Hayeri pour la Fondation Carmignac

Dans certains districts, sur décision locale des autorités, les filles n’ont pas le droit d’aller à l’école au-delà de la 3e année.

« Depuis trois ans, il n’y a presque plus d'enseignantes ni d'infirmières par exemple. Les femmes ne sont plus formées dans les universités. C’est très inquiétant pour l'avenir », selon Mélissa Cornet.  D’ailleurs, les pertes économiques dues à l’érosion de l’emploi féminin sont estimées à 1 milliard de $, soit 5 % du PIB.

Lire aussi L’école au temps des talibans

Forcées de fuir, forcées de revenir

Si les femmes qui dénoncent les privations de libertés sont violemment réprimées, celles qui fuient dans des pays voisins restent la plupart du temps toujours exposées aux dangers, au lieu d’être protégées. Harcèlement, arrestations arbitraires par les autorités locales et risque d’être renvoyées en Afghanistan sont leur lot quotidien.

Jalalabad, Nangarhar, Afghanistan, 12 février 2024. Une famille, récemment expulsée du Pakistan, s’est temporairement installée dans un quartier de la banlieue de Jalalabad, dans l’est de l’Afghanistan. © Kiana Hayeri pour la Fondation Carmignac

Jalalabad, Nangarhar, Afghanistan, 12 février 2024. Une famille, récemment expulsée du Pakistan, s’est temporairement installée dans un quartier de la banlieue de Jalalabad, dans l’est de l’Afghanistan. © Kiana Hayeri pour la Fondation Carmignac

« Des centaines de milliers d’Afghans ont été forcés de quitter le Pakistan à la suite d’actes de répression, alors même que certains pouvaient vivre au Pakistan depuis plusieurs années. Les femmes et les filles sont les plus touchées par les conséquences du déplacement forcé, avec par exemple des taux élevés de mariages d’enfants », note la chercheuse.

Après des mois de lutte, la Cour de Justice de l'Union européenne a rendu une décision importante pour les femmes et les filles afghanes, le 4 octobre 2024. Elles peuvent désormais prétendre au statut de réfugié au sein de l’Union européenne « uniquement sur la base de leur sexe et nationalité. » À présent, les pays de l’UE doivent ouvrir des voies d'accès légales et sûres pour leur permettre de rejoindre leur territoire en toute sécurité.

 

Journaliste : une profession en péril

« Le journalisme indépendant et la presse libre à certainement été l'un des plus grands succès de ces dernières années en Afghanistan, avant le retour des talibans au pouvoir. Et cet essor des médias a véritablement disparu depuis. Nous nous sommes donc intéressées aux femmes journalistes car leur rôle est essentiel dans la société : ce sont une des seules à pouvoir faire raisonner la voix des Afghanes », détaille Kiana Hayeri.

Les femmes journalistes en Afghanistan sont les yeux, les oreilles et la voix de la société.

Kiana Hayeri, photographe

Kaboul, Afghanistan, 29 février 2024. Des journalistes féminines travaillent dans le bureau d’un média axé sur les femmes. 
Depuis l’arrivée au pouvoir des talibans en août 2021, le paysage médiatique afghan a été décimé. © Kiana Hayeri pour la Fondation Carmignac

Kaboul, Afghanistan, 29 février 2024. Des journalistes féminines travaillent dans le bureau d’un média axé sur les femmes. Depuis l’arrivée au pouvoir des talibans en août 2021, le paysage médiatique afghan a été décimé. © Kiana Hayeri pour la Fondation Carmignac

Depuis le 8 mars 2021, Radio Begum, créée pour et par les femmes, diffuse des cours radiophoniques six heures par jour pour palier en partie l’interdiction scolaire des jeunes filles. La radio propose également des émissions de santé, de soutien psychologique et de conseils spirituels. Même s’il est difficile d’estimer les chiffres des audiences, Radio Begum pourrait être écouté par environ 600 000 femmes. C’est un des derniers espaces de libertés pour les femmes.

À la fin du mois d’août 2024, le régime taliban a encore renforcé son contrôle en promulguant une nouvelle loi obligeant les femmes à se couvrir entièrement le visage d’un masque et leur interdisant de faire entendre leur voix en public, y compris de chanter, de réciter ou de lire à haute voix.

L’apartheid fondé sur le genre, grand absent du droit international

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et d’autres normes internationales définissent le concept d’apartheid comme impliquant des actes inhumains commis dans le contexte d'un régime institutionnalisé d'oppression et de domination systématiques d'un groupe racial sur un ou plusieurs autres. Cette définition s'explique en partie par les origines historiques du crime d'apartheid en Afrique du Sud. Mais il n'existe aucune législation nationale, régionale ou internationale reconnaissant un crime similaire fondé sur le genre.

Le concept d’apartheid fondé sur le genre a été formulé pour la première fois par des féministes afghanes défenseures des droits humains et leurs allié·es à l’international en réponse à l’assujettissement des femmes et des filles et à l’offensive systématique contre leurs droits menée par le régime taliban dans les années 1990. Son usage s’est répandu depuis que les talibans ont repris le contrôle de l’Afghanistan en 2021.

Si le Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes des Nations unies, le Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles des Nations unies et un certain nombre de rapporteurs et rapporteuses spéciaux reconnaissent l’apartheid fondé sur le genre, le concept reste toutefois relativement nouveau en droit international.

La reconnaissance en droit international du crime d’apartheid fondé sur le genre comblerait ainsi un vide juridique existant et permettrait de lutter contre les régimes institutionnalisés d’oppression et de domination systématiques des femmes, des filles et des personnes LGBTI+ partout où ils existent.

Plus généralement, cette reconnaissance contribuerait à promouvoir la justice de genre dans le droit pénal international et à renforcer la lutte contre l’impunité.

Les États doivent désormais entendre cet appel en faveur de toutes les militantes et militants qui se trouvent en première ligne de la lutte pour les droits liés au genre et pour l’égalité de genre, afin que justice soit rendue aux victimes d’apartheid fondé sur le genre.

« Dream girls » : des rêves plein la tête

Le changement le plus frappant que Kiana Hayeri et Mélissa Cornet ont observé depuis août 2021 est la perte générale d’espoir parmi les femmes que leur situation puisse s’améliorer : leurs rêves d’éducation et d’intégration dans la société se sont évanouis sous leurs yeux, elles sont devenues les premières victimes des crises économiques et alimentaires, et de l’effondrement du système de santé.

En général, les Afghans et les Afghanes sont en incapacité de rêver. 

Mélissa Cornet, chercheuse

Les lauréates de la 14e édition du Prix Carmignac du photojournalisme ont collaboré avec des adolescentes afghanes pour explorer leurs aspirations à travers une fusion créative de photographie et de peinture. Chaque jeune fille a été interrogée sur son rêve, puis a posé avec des accessoires symbolisant ses aspirations. Avec leur professeur d’art, elles ont peint sur leurs images, mêlant réalité et imagination pour donner vie à leurs rêves, ne serait-ce qu’un instant.

Sohaila, 13 ans, veut devenir globe-trotteuse. © Kiana Hayeri et Mélissa Cornet pour la Fondation Carmignac

Sohaila, 13 ans, veut devenir globe-trotteuse. © Kiana Hayeri et Mélissa Cornet pour la Fondation Carmignac

« Il y en a une qui voulait être pilote, une qui voulait être globetrotter, une qui voulait être chirurgienne, une autre qui encore qui voulait être journaliste d'investigation. On les a donc mises en situation. On a pris des photos, et après, avec leur professeure d’art, elles ont peint sur les photos », raconte Mélissa Cornet.

Amnesty International et la Fondation Carmignac

La Fondation Carmignac et Amnesty International s’associent dans le cadre de la 14ème édition du Prix Carmignac du photojournalisme, consacrée à la condition des femmes et des filles en Afghanistan depuis le retour des talibans au pouvoir en août 2021. Avec des approches différentes mais complémentaires, notre but est le même : faire cesser les graves atteintes aux droits humains dont elles sont victimes.

Juillet 2022 – Amnesty International publie son rapport Mort à petit feu, les femmes et les filles sous le régime des talibans.

Mai 2023 – Amnesty International et la Commission Internationale de Juristes publient un rapport conjoint intitulé La guerre des talibans contre les femmes, un crime contre l’humanité de persécution fondée sur le genre en Afghanistan.

Juillet 2023 – Après la lecture de ce rapport, le Prix Carmignac du photojournalisme décide de consacrer sa 14ème édition à cet enjeu.

Septembre 2023 – Amnesty International France lance une campagne de mobilisation, de sensibilisation et de plaidoyer pour que la France respecte ses engagements, délivre des visas et accueille les femmes et les filles afghanes en exil.

Janvier 2024 – Mélissa Cornet et Kiana Hayeri débutent leur reportage, avec le soutien du Prix Carmignac du photojournalisme, qui les conduit à parcourir sept provinces de l’Afghanistan et à collecter les témoignages de centaines de femmes, qui se voient retirer leurs droits les plus élémentaires.

Juin 2024 – Indépendamment de son analyse sur le possible crime contre l’humanité de persécution fondée sur le genre en Afghanistan, Amnesty International appelle à la reconnaissance juridique du crime d’apartheid fondé sur le genre en droit international.

Août 2024 – Le régime taliban promulgue une nouvelle loi obligeant les femmes à se couvrir le visage d’un masque et leur interdisant de faire entendre leur voix en public.

Septembre 2024 – À Visa pour l’Image, le Prix Carmignac du photojournalisme dévoile les noms des lauréates et leur reportage réalisé sur une période de six mois.

Hiver 2024 et 2025 - Sur la base des informations collectées par les équipes d’Amnesty International ainsi que par Mélissa Cornet et Kiana Hayeri, Amnesty international France et le Prix Carmignac du photojournalisme organiseront des actions communes de sensibilisation et de plaidoyer en faveur des droits des filles et des femmes afghanes.