Procès iniques, tortures, pendaisons secrètes,… la Malaisie utilise la peine capitale pour combattre le trafic de stupéfiants. À l’occasion de la journée mondiale contre la peine de mort, nous faisons le point.
En Malaisie, 73 % des personnes condamnées à mort, soit 930 prisonniers, l’ont été pour des infractions liées aux stupéfiants. Actuellement, la peine de mort est applicable pour 33 chefs d’accusation et automatique pour 12 d’entre eux. Ces dernières années, elle a été principalement appliquée lors de condamnations pour meurtre et pour trafic de stupéfiants.
Le rapport que nous publions à l’occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort, intitulé Fatally flawed: Why Malaysia must abolish the death penalty, révèle le caractère systématique des procès iniques et des pendaisons secrètes. Entre les allégations de torture et d’autres mauvais traitements et l’opacité de la procédure de recours en grâce, il est évident que l’application de la peine de mort entache la justice pénale malaisienne.
Il y a un an, le gouvernement malaisien nouvellement élu a annoncé qu’il abrogerait la peine de mort pour toutes les infractions. Il a déjà instauré un moratoire sur les exécutions en juillet 2018. Cependant, lors d’une nouvelle session parlementaire débutant en octobre, il est prévu que le gouvernement présente des dispositions législatives qui ne supprimeront que l’application automatique de la peine de mort, et pour seulement 11 chefs d’accusation – bien loin de l’abolition totale.
Pourtant, la Malaisie a une occasion en or de rompre avec des décennies de cruauté et d’injustice infligées de façon disproportionnée aux personnes les plus marginalisées
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Des condamnations systématiques
Sur les 1 281 prisonniers sous le coup d’une condamnation à mort en Malaisie en février 2019, 568 (44 %) étaient des ressortissants étrangers, confrontés à de sérieux obstacles pour accéder à une assistance consulaire et des services d’interprétation appropriés.
Certaines minorités de Malaisie étaient surreprésentées dans les quartiers des condamnés à mort, et les données consultées par l’organisation montrent une forte proportion de personnes issues de milieux défavorisés.
Beaucoup ont affirmé qu’elles avaient fait entrer de petites quantités de stupéfiants dans le pays contre leur gré, soit sous la contrainte, soit en étant manipulées, et qu’elles n’avaient pas eu recours à la violence. Aux termes du droit international, les pays qui n’ont pas encore aboli la peine de mort doivent limiter son application aux « crimes les plus graves », tels que les meurtres.
Près de neuf femmes sur 10 risquant la pendaison sont des ressortissantes étrangères condamnées pour trafic de stupéfiants. Certaines ont déclaré qu’elles avaient des problèmes financiers ou avaient été forcées à transporter de la drogue. Néanmoins, l’application automatique de la peine de mort empêche les juges de tenir compte de ces circonstances.
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Pas d’assistance juridique pour les plus démunis
Des avocats et des proches de personnes condamnées à mort ont indiqué qu’il était fréquent que, par manque de moyens, des prévenus restent sans assistance juridique jusqu’à leur inculpation devant un tribunal.
Les suspects de faits passibles de la peine de mort peuvent être maintenus en garde à vue pendant 14 jours. Des personnes ont confié qu’il était courant que les prévenus soient « battus » pour obtenir des « aveux ». Cette pratique perdure à ce jour, malgré les protestations incessantes d’ONG malaisiennes. Une enquête menée en 2011 par un groupe de travail des Nations unies avait déjà établi que « presque tous les détenus » avaient été soumis à la torture ou d’autres mauvais traitements au cours de leur interrogatoire.
Malgré la très forte proportion de ressortissants étrangers condamnés à mort et les nombreuses langues parlées dans le pays, la législation de la Malaisie ne prévoit pas de services d’interprétation pour aider les prévenus qui ne parlent pas malais à part lors des audiences au tribunal.
Hoo Yew Wah, un Malaisien d’origine chinoise, a été arrêté à l’âge de 20 ans en 2005 avec de la méthamphétamine sur lui et reconnu coupable sur la base d’une déclaration faite en mandarin, sa langue maternelle, mais que les policiers ont retranscrite en malais.
Selon lui, la déclaration qu’ils lui ont fait signer est inexacte, les policiers lui ont cassé le doigt pendant l’interrogatoire et ils ont menacé de battre sa petite-amie s’il refusait de signer. Il n’a pas bénéficié de l’assistance d’un avocat durant cette période. Hoo Yew Wah est incarcéré dans le quartier des condamnés à mort depuis 2011.
Un recours en grâce opaque
Le droit malaisien ne définit pas en détail la procédure de recours en grâce et n’établit pas les critères d’octroi de cette grâce, ni la façon dont les prisonniers ou leurs proches sont informés d’une décision.
Les prisonniers n’ont pas la garantie d’être assistés par un avocat lorsqu’ils demandent une grâce, et beaucoup doivent s’en passer. D’autres ne forment même pas de recours, soit par désespoir, soit parce qu’ils ne veulent pas s’avouer coupables d’une infraction qu’ils affirment ne pas avoir commise.
Bien que certaines initiatives gratuites existent, l’accès à ces services est contrôlé par l’administration pénitentiaire et les conditions d’accès ne sont pas transparentes. Les critères utilisés sont inconnus, mais ils semblent avoir des conséquences pour les ressortissants étrangers car la moitié d’entre eux n’ont pas déposé de recours en grâce.
Un système aussi secret prive les Malaisiens d’un tableau complet de l’application de la peine de mort.
Cette enquête montre pourquoi ce gouvernement doit maintenant honorer sans délai sa promesse d’abolir ce châtiment qui est le plus cruel et inhumain qui soit.