Sur les 54 États du continent, 45 sont désormais infectés par le virus. La lutte contre la pandémie doit être une priorité des gouvernements. Les autorités doivent faire du droit à la santé une priorité, et elles ne doivent en aucun cas utiliser le contexte de la lutte contre la pandémie pour prendre ou justifier des mesures attentatoires aux droits humains.
L’Afrique connaît à son tour une progression rapide du nombre de cas de Covid-19, avec une hausse quotidienne de près de 25 %. Le 8 avril 2020, le bureau Afrique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recensait 7 129 cas de Covid-19 et 325 morts. Dans tous les pays, les mesures préventives contre la propagation de l’épidémie sont annoncées.
Les ordres de confinements se multiplient dans l’ensemble du continent, de l’Afrique du Sud au Rwanda en passant par le Kenya, l'Ouganda ou encore le Nigeria, qui a ordonné le confinement des populations de ses deux mégalopoles, Abuja et Lagos, depuis le 30 mars. Ces mesures sans précédent comprennent la fermeture des écoles, la restriction de circulation des populations et la limitation des heures d’ouverture des bars et des restaurants voire leurs fermetures.
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L’accès à l’information au cœur de la lutte contre le Covid-19
Alors que des communautés ou des pans de populations ont un accès limité à la téléphonie, aux médias ou à Internet, les informations essentielles à la lutte contre l’infection – les gestes barrières – sont très limitées, voire inexistantes. On constate en Afrique une hausse quotidienne des cas positifs détectés. Les autorités se doivent de redoubler d'efforts pour faire circuler l’information de manière équitable auprès de l’ensemble des populations.
En Angola, le 22 mars, un vol en provenance du Portugal a débarqué environ 280 passagers de la classe économique. Ils ont été conduits dans un lieu situé à environ 50 kilomètres de l’aéroport de Luanda et mis en quarantaine forcée. Selon des informations, vingt autres passagers de première classe ont été emmenés vers un hôtel local pour une mise en quarantaine. Hommes et femmes auraient été séparés et n’auraient pas été informés du lieu où ils ont été conduits.
Dans un contexte où l’épidémie ne cesse de se propager, les États ont l'obligation de veiller à la disponibilité et à l'accessibilité pour toutes et tous de soins, de biens, de services et d'informations de prévention. Les déclarations d'urgence justifiées par la pandémie du Covid-19 ne doivent pas servir de couverture à une action disproportionnée et répressive de la part des autorités.
Celles-ci sont dans l'obligation de s’assurer que les informations sur la localisation des centres de dépistage restent largement accessibles afin de permettre à toutes et à tous d’accéder aux soins. Elles doivent également veiller à ce que les biens nécessaires à la prévention soient disponibles, physiquement et financièrement, pour toutes et tous.
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Garantir l’accès aux soins
Au Zimbabwe, le président Emmerson Mnangagwa a décrété l’état de catastrophe nationale, le 27 mars, et appelé à un confinement de trois semaines à compter du 30 mars. Le 6 avril, le pays comptait neuf personnes positives au Covid-19 et une personne trouvait la mort. Le patient décédé du Covid-19 est un jeune journaliste de télévision très connu dans le pays, Zororo Makamba. Il a succombé à l’infection sans avoir reçu aucun traitement, après avoir été isolé à l’hôpital Wilkins d'Harare, le centre de santé de référence du gouvernement pour le Covid-19. Selon certaines informations, l’hôpital Wilkins souffre d’un manque d’équipements de soins intensifs, notamment de respirateurs médicaux, et de matériel de protection pour les professionnels de santé.
La mise à disposition, de manière équitable, d’équipements et de médicaments dans les hôpitaux et centres de santé est essentielle. La situation est inégale sur l’ensemble du continent. Les pays qui affichaient le plus grand nombre de cas en début d’épidémie disposaient des systèmes de santé et des moyens de détection les plus développés. Le développement de l’épidémie sur l’ensemble du continent doit conduire les autorités à garantir aux médecins et personnels soignants des conditions de travail décentes et une rémunération adéquate. Des équipements de protection individuels doivent être distribués pour limiter le risque d'exposition au Covid-19 des personnels soignants, mais également des bénévoles et villageois mobilisés dans cette lutte.
Limiter l’épidémie, pas les droits humains
À Madagascar, qui compte 92 cas confirmés de Covid-19 au 8 avril selon le bureau Afrique de l’OMS, une catastrophe se profile à l’horizon si le virus franchit les murs des prisons. En effet, des milliers de personnes détenues vivent dans des conditions déplorables, et un grand nombre d'entre elles attendent d’être jugées. En 2018, nous rassemblions des informations selon lesquelles le recours excessif à la détention provisoire se traduisait par une forte surpopulation des prisons. Les personnes détenues sont dans l’incapacité de respecter les gestes barrières comme le lavage des mains et le maintien d’une distanciation sociale. La libération de certains détenus doit donc être envisagée par les autorités malgaches afin d’atténuer l’impact probablement désastreux du Covid-19 dans les prisons.
Au Niger, l’interdiction de tout rassemblement d’au moins 1 000 personnes a été rendue publique le 13 mars afin de limiter la propagation du virus. Quelques jours après, plusieurs journalistes ont été convoqués par la police ou arrêtés après s’être exprimés ou avoir mené des entretiens liés à la question du Covid-19. L’un d’entre eux, Mamane Kaka Touda, journaliste et défenseur des droits humains, est toujours détenu, accusé de « diffusion de données pouvant troubler l’ordre public » simplement pour avoir informé de l’existence d’un cas suspect. Les mesures ordonnées pour lutter contre le Covid-19 ne peuvent en aucun cas servir à harceler judiciairement les membres de la société civile ou les défenseurs des droits humains.
L’espace civique et les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique, d’association et de participation politique doivent être garantis.
Le 20 mars, après avoir signalé un premier cas de Covid-19, les autorités nigériennes ont suspendu toutes les visites aux détenus pendant une période d’au moins trois mois ainsi que toutes les audiences judiciaires. Bien que les visites des personnes en détention ou à leurs contacts soient limitées voire levées afin de prévenir la pandémie, ces restrictions doivent être proportionnées et doivent offrir des moyens alternatifs aux détenus pour contacter le monde extérieur, par exemple par téléphone, e-mails ou appels vidéo.
Nous appelons les services de justice à assurer un service minimum afin de garantir la continuité des procédures judiciaires et l’état de droit, dans le respect du droit à un procès équitable.
Limiter les restrictions des droits fondamentaux
Les avancées réalisées en 2019 contre l’impunité pour les violations des droits humains ont été modestes mais certaines victoires ont été remportées et ne doivent pas être anéanties sous le prétexte de la lutte contre le Covid-19. Ainsi, il est primordial que les autorités adaptent leurs réponses face à la lutte contre l’épidémie et ses conséquences désastreuses, notamment afin de protéger les populations à risque, telles que les personnes âgées, les sans-abri et les personnes vivant dans des logements insalubres comme les bidonvilles, les réfugiés et les personnes avec un système immunitaire affaibli en raison d’affections sous-jacentes.
Les États ont la responsabilité de garantir à l’ensemble des populations la disponibilité et l’accessibilité de soins, de biens, de services et d'informations de prévention. Les inégalités et les violations des droits humains rendent les soins médicaux inaccessibles à des milliers de personnes. Continuer à combattre les inégalités et les violations des droits humains qui rendent les soins médicaux inaccessibles à des milliers de personnes doit être une priorité !
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