Le vendredi 10 mai, le cargo saoudien Bahri Yanbu devait charger des armes françaises à destination de l’Arabie saoudite au port du Havre. Il a finalement quitté la rade du port du Havre sans y avoir accosté et surtout sans son chargement. Une bonne nouvelle !
La mobilisation autour du chargement prévu au Havre a été conséquente dès sa confirmation par la ministre des Armées le 8 mai. Une confirmation, sans plus de précisions sur la nature des armes, alors même que la veille, le 7 mai, le média d’investigation Disclose révélait que, selon ses sources, huit canons Caesar devaient être embarqués. De plus, la compagnie Bahri est le transporteur exclusif des armes achetées par le ministère de la Défense saoudien depuis 2014.
Sur ces fondements, deux ONG dont l'ACAT France ont déposé des requêtes en référé devant le Tribunal administratif de Paris, pour tenter d'empêcher le chargement du navire en France. Ces requêtes sont restées sans réponse ou ont été rejetées. Pourtant grâce à la mobilisation des ONG, de quelques élus et à la pression médiatique le cargo n’a pas accosté.
Manifestation dans le port du Havre contre le chargement en armes françaises du cargo Bahri Yanbu © REUTERS/Benoit Tessier
Une mobilisation européenne
Chargé d’armes qui risquent d’être utilisées dans la guerre au Yémen, le Bahri Yanbu passe d’un port européen à l’autre. Après avoir fait le plein de munitions belges à Anvers, il s’est arrêté, ou a tenté de s’arrêter, dans des ports au Royaume-Uni, en France et maintenant en Espagne. Il doit accoster dans le port italien de Gênes le 18 mai.
En Espagne, le Bahri Yanbu, a fait escale au port de Santander où il a chargé deux containers d’armes. La section espagnole d’Amnesty International s’est mobilisée aux côtés des branches espagnoles des ONG Greenpeace, Oxfam, FundiPau dans le cadre de la campagne « Armas bajo control ». Avant même que le navire ne mouille à quai, le 11 mai, Amnesty International Espagne interpellait le ministère des Affaires étrangères espagnol pour que les autorités refusent le transit du navire sur la base des articles 6.3 et 9 du Traité sur le commerce des armes. Une ONG espagnole, Pasaje Seguro, a déposé un recours pour empêcher le navire d’entrer dans le port mais sans effet. Après coup, le ministère des Affaires étrangères a indiqué que le chargement concernait du matériel non létal à destination des Emirats arabes unis et de l’Arabie saoudite, sans en apporter la preuve. La section espagnole de notre mouvement est toujours en train de demander plus de transparence sur ce chargement qui continue à aviver nos préoccupations.
Le Bahri Yanbu dans le port de Santander en Espagne © REUTERS/Vincent West
Prochaine escale : l’Italie
Le navire fait mainteant route vers le port de Gènes en Italie où la société civile se mobilise déjà afin que le navire ne charge aucune arme italienne et que le gouvernement s’oppose à son transit.
Aucun État membre de l’UE ne devrait prendre la décision criminelle d’autoriser le transfert ou le transit d’armes à destination d’un conflit où celles-ci risquent clairement d’être utilisées dans des crimes de guerre et d’autres graves violations du droit international.
Le voyage du Bahri Yanbu vient rappeller que les États préfèrent laisser le commerce lucratif des armes se poursuivre derrière un voile de mystère. Cependant, ce voile n’est pas impénétrable. Plus que jamais, nous continuons de surveiller de près l’évolution de la situation.
Le cargo attend pour rentrer dans le port du Havre © REUTERS/Benoit Tessier
Manque de transparence et de contrôle
Cette séquence inédite est une preuve supplémentaire du manque flagrant de transparence des autorités françaises quant aux ventes d’armes de la France et l’absence de contrôle de la part du Parlement, même si nous avons noté avec satisfaction la mobilisation d'un petit nombre d'élus.
La situation est d’autant plus grave que, dans le même temps, le président Emmanuel Macron déclarait assumer ces ventes, disant disposer de garanties que ces armes ne seraient pas utilisées par l’Arabie saoudite contre des civils dans le cadre du conflit au Yémen. Des assurances qui pour le moins interrogent, au regard du sombre bilan de ce pays et de la coalition militaire qu'il dirige aux côtés des Émirats arabes unis, qui commettent des violations des droits humains au Yémen.
Face à l’attitude irresponsable des autorités françaises, nous dénonçons vivement les propos du chef de l’État. Des propos totalement en désaccord avec le Traité sur le commerce des armes que la France a signé et ratifié.
STOP AUX VENTES D'ARMES IRRESPONSABLES FRANÇAISES
Les armes françaises vendues à la coalition saoudienne pourraient servir à commettre des crimes de guerre au Yémen