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URGENCE GAZA-ISRAËL

Face à l’horreur, agissez avec nous pour exiger un cessez-le-feu immédiat et la protection des civils.

FRANCE - Paris -  01/25/2024 :  Illustration de l'entrée du Conseil d'Etat, institution qui juge les litiges entre les citoyens et l'administration.
©Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
FRANCE - PARIS - 01/25/2024 : Illustration de l'entrée du Conseil d'Etat, institution qui juge les litiges entre les citoyens et l'administration. © Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

FRANCE - PARIS - 01/25/2024 : Illustration de l'entrée du Conseil d'Etat, institution qui juge les litiges entre les citoyens et l'administration. © Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Contrôle des armes

« L’acte de gouvernement », ou les œillères de la justice française en matière de ventes d’armes

Du 17 au 21 juin, des responsables politiques, représentants d’entreprises et de gouvernements, en costume, tailleurs et uniformes militaires, se croiseront dans les travées du mondial de l’armement et de la défense Eurosatory. Autour de cafés, mini-viennoiseries, et coupes de champagne, il sera question de munitions de divers calibres, de systèmes d’armement associés à l’intelligence artificielle, ou encore de technologies de guidage de missiles par satellite.

18/06/2024

Une bataille juridique est actuellement en cours pour déterminer la légalité ou non de l'interdiction de la venue des exposants israéliens au salon Eurosatory.

Pour une fois dans l’année, le petit monde discret des ventes de matériels militaires entrouvrira ses portes. Et les entreprises françaises tenteront de s’y tailler la part du lion, le pays s’étant déjà hissé en 2023 à la seconde place des plus gros exportateurs d’armes dans le monde.

Mais la conclusion de tout contrat de vente d’armes en France, est fort heureusement soumise à des contraintes. Le principe est ainsi la prohibition des exportations, celles-ci n’étant autorisées que par exception. C’est le Premier ministre qui délivre les licences d’exportation d’armement permettant aux industriels de signer tout contrat, de prendre des commandes ou encore de livrer les équipements considérés.

La décision d’autoriser ou non toute exportation doit tenir compte de l’existence ou non d’un risque de violation grave des droits humains et/ou du droit international humanitaire au moyen des armes dont l’exportation est demandée. A cet égard, la France est liée par des textes internationaux comme le Traité sur le commerce des armes.

Lire aussi : Ventes d'armes à Israël : pourquoi nous saisissons la justice française ?

Théorie de l' "acte de gouvernement"

Cependant, dans la pratique, même lorsque des licences d’exportation sont maintenues au profit du client, alors qu’il existe un risque que les matériels de guerre considérés puissent contribuer à des violations graves du droit international, les licences en question sont intouchables devant le juge administratif. Celui-ci rejette en effet toute possibilité de suspension des licences d’exportation, au nom de la théorie de l’« acte de gouvernement ».

Aux termes de cette théorie, le juge administratif considère les licences d’exportation comme des actes non détachables de la conduite des relations internationales. Par conséquent, elles bénéficient d’une immunité juridictionnelle. Autrement dit la justice se déclare incompétente pour se prononcer tant sur leur suspension provisoire que sur leur légalité. Comme si la justice administrative se dotait elle-même d’œillères pour s’interdire de prendre une décision sur ces dossiers. Pourtant, le juge administratif a bien pour vocation de protéger les droits et libertés fondamentales et de défendre l'intérêt général. 

A ce jour, cette théorie n’a jamais été remise en cause pas même à l’occasion du conflit à Gaza, et particulièrement de la réponse disproportionnée d’Israël aux crimes du 7 octobre. Face aux atrocités commises par toutes les parties au conflit, Amnesty International a appelé dès la fin du mois d’octobre 2023 à la mise en place d’un embargo sur les armes à destination de ces dernières de la part de tous les fournisseurs d’armes.  La France compte parmi les fournisseurs d’armes à Israël même si ce n’est pas le plus important. En 2022, elle lui a livré pour un peu plus de 15 millions d’euros de matériels de guerre.   

Risque plausible de génocide

Le 26 janvier 2024, alors que la Cour internationale de justice a établi l’existence d’un risque plausible de génocide, la France n’a suspendu que partiellement ses transferts d’armes à Israël. Face au refus de les cesser complétement, des associations et syndicats ont décidé d’aller en justice. Au total, 11 ONG et syndicats ont demandé au Tribunal administratif de Paris, dans trois actions distinctes, la suspension de tout ou partie des licences d’exportation d’armes et de biens à double usage à destination d’Israël afin de faire cesser toute livraison. Elles ont été systématiquement rejetées. 

Lire aussi : Conflit Israël/Gaza: on fait le point sur les demandes de suspension des transferts d’armes à Israël

Amnesty International France figure au nombre de ces dernières. Le référé-liberté déposé- le 11 avril 2024, pour 21 licences d’exportation de matériels de guerre concernant des matériels de conduite de tir et des matériels d’imagerie a ainsi été rejeté deux jours plus tard. En appel, le 1er mai, le Conseil d’Etat a confirmé la décision du Tribunal administratif. 

C’est dans ce contexte que la décision des autorités françaises d’interdire l’accès au salon Eurosatory qui se déroulera à Paris du 17 au 21 juin, aux industriels israéliens est tombée, grâce à la mobilisation militante d’ONG comme Aser et Stop Arming Israël. Sans doute un peu aussi en raison du risque plausible de génocide reconnu par la Cour internationale de justice (janvier 2024) et des demandes de mandats d’arrêt formulées par le procureur de la Cour pénale internationale (mai 2024) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à l’encontre du Premier ministre israélien et de son ministre de la Défense mais aussi de représentants du groupe armé Hamas. 

Personne n'est responsable

Dans ce contexte il parait scandaleux que la justice française n’ait pas les moyens de suspendre en urgence des licences d’exportation vers des pays qui se livrent à de possibles crimes internationaux, les "crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale", selon le Statut de Rome fondant la CPI.  Si encore, le Parlement contrôlait les exportations d’armes décidées par le seul gouvernement ! Il est aussi indispensable que la Commission parlementaire d'évaluation de la politique du gouvernement d'exportation de matériels de guerre, récemment mise en place montre sa capacité à faire jouer le débat démocratique et à exercer une forme de contrôle. 

L'ironie c’est qu'aujourd’hui, personne n’est responsable en France des conséquences des ventes d’armes. D'un côté, le pouvoir exécutif est trop peu transparent. De l’autre, le Parlement renonce à jouer son contrôle politique des exportations d’armement. Quant aux industriels ils considèrent que la licence d’exportation accordée les absout de toute responsabilité concernant l’utilisation des armes vendues.  

Lire aussi : Conflit Israël/Gaza : Emmanuel Macron et Joe Biden doivent cesser d’envoyer des armes à Israël

Les seules responsables seraient finalement les victimes qui on eut le tort d’'être là au mauvais moment au mauvais endroit.  

Le 5 février 2024, la Région wallone (Belgique) a annoncé la suspension temporaire de deux licences d’exportation de poudre à Israël. L’Espagne, l’Italie et le Canada ont suspendu temporairement et en partie leurs transferts d’armes. Au niveau international, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies a officiellement demandé le vendredi 5 avril l’arrêt des ventes d’armes à Israël.

Il est temps que la France fasse un choix politique méritant en stoppant ses transferts d’armes à Israël.