Depuis dix ans, l’utilisation des drones a été banalisée dans la « guerre contre le terrorisme ». Quatre-vingts pays dans le monde en seraient aujourd’hui équipés.
Une dizaine d’entre eux utiliserait des drones armés, au mépris absolu, le plus souvent, du droit international humanitaire. Amnesty International le rappelle : « une attaque doit atteindre un objectif militaire, tout en étant adaptée aux buts poursuivis ». Tel n’est assurément pas le cas au Pakistan, par exemple, où les frappes menées par des aéronefs américains ont fait plusieurs centaines de victimes civiles depuis 2004.
Mais ces « dommages collatéraux » ne sont d’aucun effet sur la détermination des gouvernements lancés dans la course aux armements robotiques. Depuis 2010, les Britanniques développent le drone de combat Taranis, qui devrait, selon ses concepteurs, être complètement opérationnel en 2030.
Cet appareil furtif présenté comme « révolutionnaire » pourra, fort de son exceptionnelle « autonomie », mener partout dans le monde des missions de renseignement ou de bombardement.
La France, elle, ne s’est dotée que tout récemment d’une poignée de drones Reaper non armés. Ils ont été achetés en urgence aux États-Unis en 2013, au grand dam des sénateurs qui se sont penchés sur le sujet dans un rapport publié au mois de mai 2017, et que ce « retard » désole.
Les auteurs de cet intéressant document veulent tirer la sonnette d’alarme. « Les drones militaires, expliquent-ils, sont aujourd’hui une composante indispensable de très nombreuses opérations, en particulier celles menées contre des groupes terroristes en dehors du territoire national ». Selon eux, « les drones moyenne altitude longue endurance (Male) sont même désormais le nœud opérationnel autour duquel s’organisent la plupart des missions des forces françaises ».
De sorte que « la mise en place d’une filière industrielle française et européenne de drones Male est urgente ».
Ces parlementaires jugent qu’« aucune règle de droit international ne s’oppose à l’armement des drones Male de l’armée de l’air, qui présenterait un intérêt militaire certain en « raccourcissant la boucle entre le repérage d’une cible et le tir ».
Car, assurent-ils, « les drones, engins pilotés, doivent (…) être clairement distingués des robots tueurs qui n’existent pas encore et poseront de nouveaux problèmes juridiques et éthiques ». Ils ajoutent, confiants, qu’ « au sein des armées françaises, l’utilisation des drones armés serait soumise aux règles d’engagement en vigueur, permettant un usage proportionné de la force et une minimisation » – à défaut, semble-t-il, d’une totale suppression – « des dommages collatéraux ». La ministre de la Défense, Florence Parly, les a entendus : début septembre elle a autorisé le processus d'armement de nos drones de renseignement et de surveillance.
— Dossier réalisé par Sébastien Fontenelle, pour La Chronique d'Amnesty International