Depuis 2015, les marches des fiertés sont systématiquement interdites en Turquie où l’hostilité envers la communauté LGBTI+ n’a cessé de prendre de l’ampleur. La parole publique s’est acharnée sur les personnes LGBTI+ à travers des discours discriminatoires véhiculant des stéréotypes sexistes néfastes, une homophobie et une transphobie institutionnelles.
Les discriminations et les violences dont ont été victimes les participants à la marche des fiertés de 2023 en Turquie ne doivent pas se reproduire !
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Malgré la répression et ce climat de discrimination et de violence, les militants et militantes pour les droits des personnes LGBTI+ ont continué courageusement à descendre dans la rue et à revendiquer leurs droits.
Dans une nouvelle recherche, nous analysons les réponses de l'État turc aux rassemblements pacifiques pendant la saison des Fiertés 2023.
Nous y dévoilons comment les autorités ont imposé des interdictions générales et des restrictions discriminatoires aux marches des fiertés. Elles ont eu recours à une force injustifiée et arbitraire qui, dans certains cas, s'est apparentée à de la torture.
Les restrictions draconiennes, les violences disproportionnées et les discours officiels haineux dont nous avons été témoins l'année dernière ne doivent pas se reproduire.
Dinushika Dissanayake, notre directrice régionale adjointe pour l'Europe.
Les autorités turques doivent veiller à ce que les marches des fiertés puissent se dérouler en toute sécurité, sans les interférences et les intimidations des années précédentes.
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Violences et détentions arbitraires
Depuis 2015, les autorités ont illégalement et systématiquement entravé les marches des fiertés en Turquie, en violation des droits à la liberté de réunion pacifique et d'expression et à la non-discrimination.
En plus des marches, les autorités ont interdit des rassemblements pacifiques, comme des projections de films ou des pique-niques.
Pour intimider les manifestant·es, les autorités turques ont mis en œuvre des tactiques pour les décourager de participer aux manifestations.
Il y avait énormément de policiers, dès l’aube, et des véhicules anti-émeutes sur place. Toute la police d’Ankara se trouvait sur le campus .
Deniz, étudiant à l’Université technique du Moyen-Orient à Ankara, où la marche des fiertés a été interdite
Dans les provinces d’İzmir, d'Adana et d'Eskişehir, certain·es manifestant·es ont fait l’objet d’arrestations arbitraires peu de temps après leur participation à un rassemblement pacifique.
Ce recours à une force injustifiée et arbitraire contre des manifestants pacifiques a été généralisé et a entraîné la détention arbitraire d'au moins 224 personnes dans tout le pays. Parmi les personnes détenues figuraient des avocats, des journalistes et des personnes qui ne participaient pas aux rassemblements.
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Le 25 juin 2023, 52 personnes, dont quatre avocat·es et un enfant, ont été arrêtées arbitrairement à Izmir. Selon nos observations et des vidéos partagées par des militant·es, les forces de l’ordre ont encerclé les manifestant·es et fait usage d’une force injustifiée pour les arrêter dès leur regroupement en amont de la marche des fiertés.
Des manifestant·es ont été battu.es, frappé·es, certain·es ont été menotté·es dans le dos, traîné·es sur le sol, d’autres ont eu les chevilles écrasées, les cheveux tirés. Ces exemples d’usage illégal de la force s’apparentent à de la torture et à d'autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Conséquence : les interdictions générales, les restrictions et les violences ont dissuadé les personnes LGBTI+ de participer à d'autres manifestations pacifiques.
Rhétorique discriminatoire
Certains hommes politiques et hauts fonctionnaires ont participé à l’oppression des personnes LGBTI+ en usant d’une rhétorique de plus en plus discriminatoire et stigmatisante à l'égard des personnes LGBTI+.
Ces propos se sont intensifiés au cours de la période qui a précédé les élections de l'année dernière.
Les LGBTI sont un poison injecté dans l'institution de la famille
Le président Erdoğan lors d'une émission télévisée.
En 2023, le gouvernement a proposé un amendement à la constitution turque pour redéfinir la "famille" comme "l'union d'un homme et d'une femme".
Dans certaines déclarations, des gouverneurs ont interdit des marches en raison de « sensibilités sociales ». Ils affirmaient que « ces activités qui comprennent des attitudes et des comportements allant à l’encontre de la morale publique » pourraient « causer des réactions parmi le public » et « appeler toutes sortes de provocations et d’actes ».
Malgré les restrictions et la violence, les personnes LGBTI+ et leurs alliés dans toute la Turquie se préparent à célébrer la saison des Fiertés et à marcher pacifiquement contre les discriminations.
« Des mesures doivent être prises de toute urgence pour lutter contre l'homophobie et la transphobie institutionnelles et pour garantir des protections constitutionnelles et juridiques contre la discrimination à l'égard des personnes LGBTI+ », a déclaré Dinushika Dissanayake.
Il est plus urgent que jamais de prendre fermement position contre ces atteintes aux droits humains en Turquie et de protéger les droits des personnes LGBTI+ et le droit de manifester.
En Turquie, les militant·es LGBTI souhaitent défiler pour célébrer l’unité et les droits humains, malgré les menaces d’interdiction et le risque de violences policières. Appelez le ministre de l'Intérieur turc à garantir que les personnes qui prendront part aux marches des fiertés ne feront l’objet d’aucune forme de menace, d’usage excessif de la force par la police, d’arrestations et de poursuites.