L'histoire vraie de Mourad Benchellali et Nizar Sassi, deux Français, qui racontent leur « périple » de Vénissieux (commune en France) au camp militaire de Guantánamo Bay. Dans le but de lutter contre la radicalisation, ces deux hommes ont choisi de témoigner dans la BD « Le jour où j’ai rencontré Ben Laden ».
Guantánamo, LE tristement célèbre centre de détention américain. Vous en avez toutes et tous déjà entendu parler, mais que s’y passe-t-il réellement ? Nous vous le dévoilons au travers du témoignage de Mourad Benchellali et de Nizar Sassi, deux Français qui ont vécu le pire.
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De leur quartier des Minguettes (Vénissieux) au centre de détention militaire de Guantánamo, dans la BD Le jour où j’ai rencontré Ben Laden, ils vous racontent leur parcours qui les ont menés dans un lieu sans lois ni droits.
Jérémie Dres, l’auteur de cette BD, les a rencontrés et a retracé leur histoire dans ce roman graphique.
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Entretiens avec l'auteur et les protagonistes de la BD 👇
Pourquoi avoir choisi de témoigner ?
Mourad : J’ai décidé de participer à ce projet car j’ai pensé qu’une bande dessinée était un bon support pour faire de la prévention auprès des jeunes sur les questions d’embrigadements et d’endoctrinement djihadiste. J’ai toujours pensé que mon témoignage pourrait les aider à tirer les mêmes leçons que moi pour qu’ils évitent de commettre les mêmes erreurs.
Nizar : Je n’ai pas choisi. Si j’avais eu le choix, je serais de redevenu normal mais c’est fini, je ne suis plus une personne normale. Toute ma vie est faite d’adaptation, je dois toujours faire attention où je vais, ce que je dis, ce que je fais, mes choix de vie, mes choix amoureux, mes choix professionnels. Tout est rythmé par ça, je ne suis plus quelqu’un de normal. Mon vécu m’a marqué au fer rouge. Je me suis dit que je ne pouvais plus enfouir ça, il faut que j’en fasse profiter les autres de cette expérience douloureuse. Elle peut aider des personnes, des institutions ou des associations.
Pourriez-vous raconter votre expérience à Guantánamo ?
Mourad : Cette prison est connue pour deux choses. D’une part, l’arbitraire, c’est-à-dire que toutes les personnes détenues n’avaient aucun accès à leurs droits. D’autre part, les conditions de détention puisque nous étions interrogés par les services de renseignements américains et ces derniers considéraient qu’il fallait faire souffrir les détenus pour obtenir des informations. Ils utilisaient donc différentes méthodes. Les méthodes sont bien connues aujourd’hui. Pour vous raconter quelques exemples, il y a la privation de sommeil, ils vous transfèrent d’une cellule à l’autre toutes les demi-heures. Après une semaine, vous passez à l’interrogatoire. Il y avait également les souffrances physiques puisqu’on était régulièrement tabassé par les gardiens.
Nizar : À chaque fois que j’en parle, je me replonge dedans. Au début, j’avais énormément de maux de tête en y repensant. A Guantánamo, vous êtes seulement un numéro. Lorsque je suis arrivé, je ne savais pas si j’allais m’en sortir, si on allait me tuer, me torturer. Au-delà de la torture, c’est l’incertitude. En France, vous avez un avocat, il y a des garde-fous. Là-bas le premier discours que j’ai entendu c’est le général du camp qui disait « votre vie ici, c’est moi ». Et, effectivement, toute notre vie dépendait de lui. Des détenus devenaient fous là-bas avec la torture physique et psychologique. Notre combat de tous les jours : rester sain d’esprit du matin jusqu’au soir. J’ai découvert à Guantánamo que l’humain peut s’adapter à l’horreur…
Pensez-vous que vos témoignages ont un impact pour lutter contre la radicalisation ?
Mourad : Il ne faut pas oublier l’image qu’un ancien détenu de Guantánamo peut avoir auprès du public (« élève, etc). Elle est repoussante. Ce que je veux dire, c’est que l’on n’a pas le soutien des politiques ni des grandes institutions. J’ai compris qu’il fallait donc réaliser un travail de terrain. Est-ce que l’on peut réellement quantifier l’effet d’un témoignage, dire que ça a vraiment marché ? Je ne pourrais pas le faire. La seule chose que je peux dire c’est que j’ai des retours d’élèves qui disent que ce témoignage ne les laisse pas indemnes. D’autres me disent que ça les a profondément touchés.
Comment avez-vous entendu parler de l’histoire de ces deux hommes ?
C’était en 2015 ou 2016, j’étais dans l’écriture d’un précédent roman graphique et j’écoutais un podcast et je suis tombé par hasard sur leur témoignage dans l’émission « Les pieds sur terre » de France Culture. Le fait intéressant c’est que Nizar et Mourad témoignaient ensemble. Ce qui n’est pas toujours le cas. Quand je les écoutais, leur récit me parlait totalement. Peut-être car je suis de la même génération qu’eux. J’ai eu une vingtaine d’années à peu près au moment du 11 septembre. Quand ils racontent qu’ils se trouvent en Afghanistan et qu’ils découvrent pour la première fois le nom Al-Qaïda ou Ben Laden. Aujourd’hui cela peut paraître surprenant mais à cette époque-là, effectivement avant le 11 septembre, personne n’avait jamais entendu ces noms. Le terrorisme islamiste est une chose dont on avait peu entendu parler. Leur histoire m’a touché, je trouvais qu’aborder des événements historiques (des événements qui ont constitué notre 21ème siècle) au travers de leurs histoires étaient intéressantes ainsi que la dimension aventure, un peu romanesque, que j’ai pu retranscrire dans mon récit.
J’ai été un peu submergé par toute cette matière, je ne pensais pas en faire deux tomes.
Quel récit font-ils de Guantánamo ?
Pour moi ça n’a pas été facile d’aborder cette question avec eux. Les premières rencontres, il a fallu créer une relation de confiance ; ça n’a pas été facile. Moi-même je ne savais pas comment on pouvait aborder le sujet. C’est au fur et à mesure de nos rencontres que je suis arrivé à demander plus de détails. Cet épisode les a profondément marqués, c’était au début à l’ouverture du camp qu’ils ont vécu les sévices et les tortures.
Je sais qu’ils ne m’ont pas tout dit sur Guantánamo, qu’il y a des épisodes beaucoup trop traumatiques. Mais, ils en ont dit suffisamment pour que les lecteurs puissent se faire une idée.
Qu’est-ce que vous retenez de leur histoire ?
Ce que je retiens surtout c’est que ça les a profondément marqués. D’un côté on a Mourad qui utilise son histoire pour sa lutte contre la radicalisation dans les écoles, les prisons. Il en a fait tout un combat et il a décidé de se reconstruire de cette façon-là. Et, de l’autre côté, on a Nizar qui, lui, a décidé de se reconstruire une nouvelle vie. Toutefois, il dit souvent qu’il est ramené à cette épisode de sa vie et, de toutes manières, il a décidé de faire avec.
Découvrez le reportage vidéo sur Mourad Benchellali. 👇
Pourquoi nous soutenons cette BD ?
Nous soutenons Le jour où j'ai rencontré Ben Laden car il s'agit d'un témoignage inestimable sur le camp de Guantánamo. Ce centre de détention a été ouvert il y a maintenant 21 ans sur une base américaine à Cuba. Des milliers de personnes y ont été détenues dans le cadre de la "guerre contre le terrorisme" déclarée par les États-Unis en réponse aux attentats du 11 septembre 2001.
Le témoignage de Mourad Benchellali et de Nizar Sassi permet aussi de comprendre le "tout noir juridique" qu'a représenté et représente encore Guantánamo où des dizaines de personnes sont toujours détenues en dehors de tout cadre légal.
Un album à mettre entre toutes les mains pour ne pas laisser de telles injustices continuer ou se reproduire.