Le média d’investigation Disclose aurait obtenu des documents "confidentiel-défense" qui pourraient attester que la France se serait rendue complice de centaines d'exécutions extrajudiciaires perpétrées par l’Égypte. Explications.
Les informations révélées le dimanche 21 novembre, si elles sont confirmées, mettent en avant une pratique récurrente d’homicides illégaux commis par l'Égypte contre des trafiquants, à la frontière avec la Libye, dans le désert occidental. Selon ces mêmes informations, la France se serait rendue complice, en toute connaissance de cause, de violations graves du droit international commises par les forces armées égyptiennes.
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Nom de code : Sirli
Au nom de la lutte conjointe contre le terrorisme, une mission aurait été initiée par la France et l’Égypte en 2015 : l’opération Sirli. Le rôle de la France ? Être les yeux et les oreilles des forces égyptiennes à la frontière égypto-libyenne, grâce à un avion de surveillance et de reconnaissance.
L’avion, d’origine luxembourgeoise mais piloté par des Français, est censé scruter le désert occidental pour détecter toute menace terroriste en provenance de la Libye. Les données collectées seraient ensuite envoyées aux forces armées égyptiennes. Par exemple, il permettrait de communiquer la localisation de pickups traversant le désert.
Rapidement, l’équipe française aurait compris que les données étaient utilisées pour cibler et détruire les pickups. Or, d’après les informations révélées par Disclose, les véhicules seraient conduits, non pas par des « terroristes », mais par des contrebandiers transportant du riz, des drogues, de l'essence, des armes, du tabac ou encore du maquillage.
Un officier français aurait averti la Direction du renseignement militaire que la véritable priorité de la mission Sirli était la lutte contre la contrebande et l’immigration. Malgré ces informations, les autorités françaises auraient donc poursuivi l'opération en toute connaissance de cause.
En 2020, l’Égypte s’est félicitée de la destruction de « 10 000 voitures remplies de terroristes et de trafiquants ». Ainsi, des centaines de personnes auraient été tuées, dont une partie potentiellement grâce à la complicité des autorités françaises.
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Des révélations d’une extrême gravité
Les révélations de Disclose sont d'une extrême gravité et exigent des réponses claires et immédiates au plus haut niveau de l’État. Depuis de nombreuses années, nous dénonçons la pratique des exécutions extrajudiciaires dans le nord du Sinaï en Égypte et dans le gouvernorat de Behira.
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Nous appelons donc le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, à se saisir des faits rapportés. Il ne peut pas y avoir d'impunité si des crimes ont été commis par les forces égyptiennes. Au-delà, la responsabilité de la France pourrait être engagée devant le juge administratif pour aide ou assistance à un autre État dans la commission d’un fait internationalement illicite. En effet, sans les informations que la France aurait fournies, les frappes égyptiennes n’auraient jamais été possibles.
Une enquête parlementaire s’impose !
Nous demandons l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur ces révélations. Le Parlement doit jouer son rôle de contrôle de l'action du gouvernement et demander au gouvernement de rendre des comptes sur son action qui aurait facilité la commission de violations graves des droits humains par l'Égypte.
Pour lire l'intégralité de l'enquête de Disclose : Les mémos de la terreur