En raison de l’épidémie de Covid-19 sur leur territoire, des gouvernements ont désengorgé certaines de leurs prisons. Tout en continuant d’arrêter les défenseurs des droits humains et militants.
Notre enquête dans quarante-six pays met en lumière l’hypocrisie de certains gouvernements, notamment ceux de l’Égypte, de l’Inde, de l’Iran et de la Turquie. Ils laissent des prisonniers d’opinion croupir en prison dans des conditions déplorables malgré des programmes de libération de détenus très médiatisés.
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Exclus des mesures de remise en liberté
Face à la pandémie de Covid-19, la Haute-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies a demandé aux États, en mars dernier, de « libérer toute personne détenue sans fondement juridique suffisant, y compris les prisonniers politiques et les personnes détenues simplement pour avoir exprimé des opinions critiques ou dissidentes ». Pourtant, plusieurs pays ont exclu les défenseurs des droits humains des mesures de décongestion des prisons et des autres lieux de détention.
En Turquie, des journalistes, des avocats, des militants et des représentants de l’opposition placés en détention provisoire sur des accusations sans fondement demeurent incarcérés. Pourtant, plus de 100 000 prisonniers ont été libérés depuis le mois d’avril. En Égypte, le gouvernement s’est abstenu de libérer des défenseurs des droits humains ainsi que des milliers d’autres personnes en détention provisoire sur la base d’accusations vagues.
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En Iran, les autorités ont annoncé avoir relâché de façon temporaire 85 000 prisonnières et prisonniers. Pourtant, de nombreux défenseurs des droits humains sont toujours emprisonnés injustement. C’est le cas de Narges Mohammadi, qui souffrait déjà de graves problèmes de santé et qui présente maintenant des symptômes correspondant au Covid-19. Les autorités continuent de priver Narges Mohammadi de soins de santé en prison. De nouvelles arrestations de défenseurs des droits humains ont également été signalées dans de nombreux pays tels que la Tunisie, le Maroc, le Niger, le Zimbabwe et l’Angola.
Il semble que ces gouvernements craignent d’avantage les critiques que la pandémie.
Au lieu d’écouter les inquiétudes, les gouvernements répriment
Dans les quanrante-six pays sur lesquels nous avons enquêté, les gouvernements répriment violemment toute critique : arrestations, accusations de « fausses nouvelles », restrictions du droit de circuler librement, détentions. En première ligne, les lanceurs d’alerte dans le secteur de la santé sont particulièrement visés.
Nous avons obtenu des informations sur 131 personnes œuvrant pour la défense des droits humains dans le monde entier qui ont été harcelées, persécutées, tuées ou emprisonnées sous des prétextes liés au Covid-19. Ce nombre ne représente probablement que la partie la plus visible de l’iceberg. Au lieu d’aménager un espace pour les défenseurs des droits humains afin de soutenir leurs efforts dans la lutte contre la pandémie, les États musèlent ces personnes qu’ils considèrent comme des opposants. Les mesures prises sont contre-productives.
Des « cibles faciles »
De nombreux défenseurs des droits humains sont en danger en raison des mesures de confinement qui restreignent leurs déplacements, et qui en font des cibles faciles pour les individus qui veulent les réduire au silence. En Colombie et au Mexique, par exemple, les mesures de protection policière ont été réduites. En Colombie, l’organisation de la société civile INDEPAZ a fait état de 166 assassinats au cours des six premiers mois de l’année 2020. Figure au nombre des victimes Carlota Isabel Salinas Pérez, une militante des droits des femmes tuée devant son domicile en mars. Carlota était une dirigeante associative, et elle collectait des denrées alimentaires pour les familles dans le besoin le jour où elle a été tuée.
Maintenant plus que jamais, le travail qu’effectuent les défenseurs des droits humains est essentiel pour demander un accès égal aux soins de santé, à la nourriture, à un abri et pour fournir au public des informations sur le virus. Les gouvernements doivent leur procurer une protection efficace et garantir leur sécurité. Il est indispensable que la communauté internationale exerce des pressions sur les gouvernements pour qu’ils relâchent les personnes qui ont été incarcérées alors qu’elles n’ont fait qu’exercer pacifiquement leurs droits fondamentaux.
SOLIDARITÉ AVEC LES DOCTEURS HANY BAKR ET AHMAD SABRA EN EGYPTE
En Égypte, ces deux professionnels de santé seront jugés lundi 10 août pour avoir exprimé de façon pacifique leur opinion sur les réseaux sociaux à propos de la gestion de la crise sanitaire