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Rassemblement de l'opposition à San Cristobal, Venezuela, le 3 août 2024. Photo par Jorge Mantilla/NurPhoto via Getty Images)
Rassemblement de l'opposition à San Cristobal, Venezuela, le 3 août 2024. Photo par Jorge Mantilla/NurPhoto via Getty Images)
Liberté d'expression

Comprendre ce qu'il se passe au Venezuela

Depuis plus de dix ans, le Venezuela est en proie à une crise profonde. Le pays, frappé par la répression et la crise humanitaire, a vu fuir plus d’un quart de la population à l'étranger. Pendant des années, nous n’avons eu de cesse de dénoncer les graves violations des droits humains, y compris des crimes contre l'humanité. C’est dans ce contexte complexe que se sont tenues les élections présidentielles le 28 juillet 2024. Des élections entachées par la répression politique et des irrégularités. Voici ce qu'il faut savoir sur ce qu'il se passe en ce moment au Venezuela.

1. De graves violations des droits humains dénoncées depuis des années 

Les mois précédant les élections au Venezuela ont été marqués par des attaques incessantes contre la société civile :

des dizaines de détentions arbitraires,

des disparitions forcées,

des actes de torture,

des représailles contre des entreprises et des entrepreneurs fournissant des services à des personnalités de l'opposition,

ainsi que des mesures administratives arbitraires et abusives.  

Aussi, nous n'avons eu de cesse de dénoncer la persécution, la censure et les discours menaçants frappant les opposants au pouvoir. 

Ces dernières années, nous avons fait campagne pour la mise en place et le renforcement de mécanismes internationaux d'obligation de rendre des comptes. Ce travail de longue haleine a notamment abouti à la création de la Mission d'établissement des faits des Nations unies sur le Venezuela. Nous avons également salué la première enquête menée par le bureau du procureur de la Cour pénale internationale sur une situation dans les Amériques, et nous avons collaboré aux enquêtes pénales en cours en Argentine en vertu du principe de la compétence universelle.  

2. Des élections entachées par la répression politique et des irrégularités 

Le 28 juillet 2024, le Venezuela enregistrait une participation massive aux élections présidentielles. Des centaines de personnes ont fait la queue toute la nuit devant les bureaux de vote. Mais avant même leur ouverture, nous déplorions déjà des dizaines d'arrestations arbitraires pour des motifs politiques.

C’est dans ce contexte particulièrement répressif que le 29 juillet, les autorités électorales - liées au gouvernement - ont annoncé la victoire de Nicolas Maduro. Au même moment, des organisations internationales et de la société civile faisaient part de leur vive inquiétude quant à la transparence et la fiabilité des résultats fournis par le gouvernement. Le 31 juillet au matin, les bulletins de vote et les résultats n'avaient toujours pas été publiés par les autorités électorales.  

L'opposition politique a immédiatement contesté l'annonce de la victoire de Nicolas Maduro. Elle a affirmé que c’était le candidat de l'opposition, Edmundo González, qui était arrivé en tête et a demandé la publication complète des résultats de chaque bureau de vote, comme l'exige la loi vénézuélienne.

Depuis, de nombreux gouvernements à travers le monde ont soutenu les appels de l'opposition et invité le gouvernement à la transparence et au respect de la volonté exprimée par le peuple vénézuélien. 

Le gouvernement a répondu en rompant ses relations diplomatiques avec l'Argentine, le Chili, le Costa Rica, la République dominicaine, le Pérou, le Panamá et l'Uruguay. 

3. Des manifestations violemment réprimées 

Après les résultats, des manifestations massives ont éclaté dans tout le pays pour soutenir les revendications de l'opposition.  

Ces manifestations ont été violemment réprimées par les autorités : détentions arbitraires massives, tortures infligées à des figures clés de l'opposition, recours à la force létale, perquisitions illégales de domiciles, mobilisation de groupes armés pro-gouvernement et de forces de sécurité en uniforme, discours fortement stigmatisant à l'égard des militants politiques, des défenseurs des droits humains et des ONG...

En quelques jours à peine, plus de 2000 personnes ont été arrêtées arbitrairement et des dizaines de personnes ont été tuées par des forces de sécurité et des groupes armés progouvernementaux. Des défenseurs des droits humains et des organisations de la société civile ont été attaquées, menacées et stigmatisés parce qu'elles dénonçaient les actions du gouvernement.

Entre le 29 et le début du 31 juillet, nos équipes de recherche ont constaté avec inquiétude que la politique de répression du gouvernement avait atteint un niveau record : 

- au moins 17 personnes ont été tuées par l'utilisation d'une force létale ou potentiellement létale. Ce chiffre continue d’augmenter ; 

- plusieurs centaines de détentions arbitraires pour des raisons politiques, dans tout le pays, ciblant principalement des jeunes – hommes et femmes – sans aucune garantie de procédure régulière. Le procureur général a affirmé qu'au moins 1 062 personnes avaient été détenues juste après les élections. Le sort, le lieu de détention et le statut juridique de nombre d'entre elles n'ont pas été vérifiés, et leurs proches tentent toujours de les localiser ; 

- le parquet vénézuélien a ouvert, le lundi 5 août, une enquête criminelle contre le candidat de l’opposition à la présidentielle, Edmundo Gonzalez Urrutia, et la cheffe de l’opposition, Maria Corina Machado, notamment pour « usurpation de fonctions, diffusion de fausses informations, incitation à la désobéissance aux lois, incitation à l’insurrection, association de malfaiteurs » ; 

- des organisations font état d'actes de torture commis à l'encontre d'au moins une personnalité de l'opposition de haut niveau, dans le but présumé d'obtenir de faux aveux qui viendraient étayer les allégations de violence de la part des groupes d'opposition ; 

- des dizaines de perquisitions illégales dans des domiciles, avec recours à la force pour harceler, intimider et arrêter des militants et des manifestants ; 

- des campagnes de diffamation répétées de la part de hauts fonctionnaires et d'autorités liées au gouvernement visant les dirigeants de l'opposition, les activistes, les défenseurs des droits humains, les manifestants et les ONG. 

4. Des entreprises de la tech créent un dangereux précédent avec une application de dénonciation des manifestant·e·s antigouvernementaux 

Le président Nicolas Maduro a encouragé les Vénézuéliens et Vénézuéliennes à signaler les manifestant·es qui remettent en question sa réélection en utilisant VenApp, une application appartenant au gouvernement (VenApp a été lancée par le président Nicolas Maduro en 2022, initialement pour recevoir les plaintes du public sur des questions telles que les pannes de courant et les urgences médicales). 

Selon des groupes de défense des droits humains, des milliers de personnes ont été arrêtées depuis, et plus d'une douzaine de personnes ont été tuées dans le cadre de la répression postélectorale contre l'opposition. 

Si l'application a depuis été retirée de Google Play et de l'App Store à la suite d’une immense vague de protestation, elle reste en ligne pour celles et ceux qui l’avaient déjà téléchargée. Face à l’ampleur de la contestation de son gouvernement sur les réseaux sociaux, Nicolas Maduro a également décidé de suspendre temporairement le réseau X. 

Amnesty International a réuni des informations montrant que, trop souvent, les entreprises de la tech se livrent à des pratiques qui ont des répercussions négatives sur les droits humains, sans avoir évalué de façon appropriée ces risques. Ces entreprises sont tenues de respecter le devoir de diligence raisonnable et de traiter de manière adéquate tout risque potentiel, risque qui aurait dû apparaître évident en l'espèce compte tenu du fait que le gouvernement vénézuélien réprime de longue date toute forme de dissidence.  

5. L'ampleur et la gravité des crimes en cours rendent nécessaires des actions urgentes de la part du procureur de la CPI  

L'ampleur et la gravité des crimes en cours sont une conséquence de l'impunité qui sévit jusqu'au plus haut sommet de l'État. Depuis des années, le gouvernement Maduro est responsable de graves violations des droits humains et de crimes contre l'humanité.  

L'ampleur et la gravité des actes perpétrés contre le peuple vénézuélien appellent donc une accélération urgente de l'enquête sur la situation dans le pays.  

À cette fin, Amnesty International a adressé une lettre ouverte au procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, pour lui demander de prendre des mesures urgentes concernant la commission de crimes de droit international au Venezuela. 

Le silence du procureur Karim Khan face à la crise au Venezuela est alarmant.

Erika Guevara-Rosas
Directrice principale de la recherche, du plaidoyer, des politiques et des campagnes d'Amnesty International

Concrètement, nous attendons du procureur qu'il fasse une déclaration préventive en guise d'avertissement aux auteurs de possibles crimes internationaux et de violations des droits humains. Nous l'appelons également à soutenir publiquement les ONG vénézuéliennes et les défenseurs des droits humains, et à condamner les attaques contre ceux qui sont pris pour cible en raison de leur travail inlassable en faveur de la justice. Aujourd'hui plus que jamais, nous avons besoin que le Bureau du procureur de la Cour pénale internationale prenne des mesures fermes et immédiates. 

Nos demandes  

La politique de répression du gouvernement, y compris les détentions, la torture et les assassinats, doit cesser immédiatement. 

Le procureur de la Cour pénale internationale doit être déclaré compétent pour enquêter sur les auteurs d'éventuelles détentions, tortures, violences sexistes et persécutions commises dans le contexte des élections. Toutes les autorités responsables de ces crimes, y compris la chaîne de commandement, peuvent et doivent être jugées par des tribunaux impartiaux et indépendants, avec toutes les garanties d'un procès équitable. 

La communauté internationale doit montrer son engagement en faveur des droits humains au Venezuela en exprimant son soutien aux défenseurs des droits et en assurant le renouvellement de la mission d'enquête des Nations unies pour le Venezuela et du bureau du Haut-Commissaire aux droits de l'Homme. 

 

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