Depuis l'entrée en vigueur le 30 juin 2020 de la Loi relative à la sécurité nationale, l’étau se resserre sur les acteurs et organisations de la société civile hongkongais qui font face à des vagues de dissolutions, arrestations et poursuites abusives et répressives.
Les ONG sous pression
Le 25 septembre 2021, à l’instar d’autres organisations de la société civile comme le Front civil des droits de l’homme (CHRF) et des principaux syndicats de Hong Kong qui se sont dissous depuis le mois d’août, l’Alliance hongkongaise de soutien aux mouvements patriotiques et démocratiques en Chine (HK Alliance) a été contrainte d’annoncer sa dissolution, suite aux pressions de plus en plus fortes subies par Pékin.
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La HK Alliance organisait depuis trois décennies les veillées annuelles à la chandelle en hommage aux victimes de la répression sanglante menée par les autorités chinoises en 1989 sur la place Tiananmen à Pékin. Ces veillés avaient lieu en présence de dizaine, parfois centaine de milliers de personnes dans le parc Victoria à Hong Kong. Depuis deux ans, les autorités ont interdit ces veillées annuelles en raison de la situation sanitaire.
Nous fermons nos bureaux
Un mois plus tard, le 25 octobre 2021, nous avons dû fermer nos deux bureaux à Hong Kong. Face à l’intensification de la répression des autorités, il devenait trop risqué de poursuivre notre travail sur place sans crainte de graves représailles de la part du gouvernement.
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Une salariée tente d'entrer dans les bureaux d'Amnesty International à Hong-Kong , octobre 2021 / © Isaac Lawrence - AFP
Notre bureau local a cessé ses opérations le 31 octobre, tandis que notre bureau régional a mis la clé sous la porte en fin d’année. Les opérations régionales seront transférées aux autres bureaux de l’organisation dans la zone Asie-Pacifique.
Les autorités hongkongaises ciblent les organisations de la société civile bénéficiant d’un large soutien et capables de mobiliser, pour étouffer la dissidence et faire taire l’opposition politique.
Les militants dans le viseur des autorités
Entre le 1er juillet 2020 et la fin octobre 2021, la police a arrêté ou ordonné l’arrestation d’au moins 154 personnes au titre de la Loi relative à la sécurité nationale. Au 31 octobre 2021, au moins 82 personnes ont été officiellement inculpées, dont 59 se trouvent actuellement en détention provisoire.
Le militant hongkongais Ma Chun-man, surnommé « Captain America 2.0 » après avoir porté le bouclier du super-héros lors de manifestations l’an dernier, a été arrêté pour avoir scandé des slogans, brandi des pancartes et donné des interviews aux médias lors d’une série de manifestations l’an dernier.
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Le 11 novembre 2021 il a été condamné à cinq ans et neuf mois d’emprisonnement pour « incitation à la subversion du pouvoir de l’État » en vertu de la Loi relative à la sécurité nationale.
Un manifestant porte un bouclier "Captain America" lors d'un rassemblement à Hong Kong le 4 octobre 2014 / © Alex Ogle via AFP
Dans le paysage politique actuel à Hong Kong, le simple fait d’exprimer une critique ou un commentaire perçu comme tel, sans lien démontré avec un recours à la force ou une menace de violence, devient passible de plusieurs années d’emprisonnement.
Le gouvernement de Hong Kong doit cesser d’élargir sans cesse sa définition de la “mise en danger de la sécurité nationale” afin d’emprisonner des personnes exprimant des opinions qui ne lui plaisent pas.
Kyle Ward, secrétaire général adjoint d’Amnesty International
Par ailleurs, Jimmy Lai, fondateur du quotidien prodémocratie Apple daily fermé par les autorités, Gwyneth Ho ancienne journaliste devenue militante et Chow Hang-tung, avocate et ancienne responsable de la HK Alliance, ont été arrêtés et condamnés le 9 décembre 2021. La raison : avoir participé à la veillée annuelle du 4 juin 2020 en commémoration de la répression de Tiananmen. Ces personnes sont des figures hongkongaises emblématiques du mouvement prodémocratie.
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Jimmy Lai et Chow Hang-tung ont été déclarés coupables d’avoir incité des tiers à prendre part à une veillée « non autorisée ». Chow Hang-tung et Gwyneth Ho ont également été déclarées coupables de participation à une réunion « non autorisée ». Ils sont actuellement tous les trois maintenus en détention provisoire prolongée, sans possibilité d’être libérés sous caution.
L'arrestation de Jimmy Lai, fondateur du quotidien Apple Daily, 10 août 2020 © REUTERS/Tyrone Siu
D’après l’Ordonnance relative à l’ordre public de Hong Kong, il faut d’abord obtenir une autorisation de la police pour organiser un rassemblement ou un défilé. Sans ce feu vert, l’évènement est considéré comme « non autorisé » et les personnes qui l’organisent ou y participent peuvent être condamnées à des amendes ou des peines de prison.
Cependant, ces dispositions vont à l’encontre du droit international, selon lequel les autorités ne peuvent pas exiger une autorisation préalable, mais seulement une notification afin de faciliter le bon déroulement des rassemblements.
Le gouvernement de Hong Kong a donc une fois de plus bafoué le droit international en condamnant des militants simplement pour avoir participé pacifiquement à une veillée.
Journalistes et médias : eux aussi ciblés par la répression
Le 28 décembre 2021, les responsables d’Apple Daily ont été inculpés du chef supplémentaire de « publications séditieuses ». Le lendemain, des responsables et membres du conseil d’administration actuels et précédents de l’organe de presse Stand News ont été arrêtés pour le même motif. Des documents journalistiques ont également été saisis et les actifs du média d’une valeur de plus de 61 millions de dollars de Hong Kong (environ 6,9 millions d’euros) ont été gelés, forçant Stand News à cesser ses activités.
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Ces arrestations sont une illustration de plus de la dégradation inquiétante de la liberté de la presse à Hong Kong.
Le 30 juin 2021, un an jour pour jour après la promulgation de la Loi relative à la sécurité nationale, nous avons publié un rapport synthèse qui analyse comment cette loi laisse aux autorités toute latitude pour ériger de manière illégitime la dissidence en infraction, tout en privant ceux qu’elles ont dans le collimateur de leurs droits.
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