Nos équipes d’Amnesty Iran ont relayé la vidéo d’une étudiante, marchant en sous-vêtements, devant son université à Téhéran contre le port obligatoire du voile. L’image fait le tour du monde tant elle force l’admiration. Nous exprimons nos vives préoccupations suite à son arrestation et appelons à sa libération immédiate.
Elle enlève son voile, se déshabille et marche, les pieds nus, longue chevelure brune au vent, en sous-vêtements devant la prestigieuse université Azad de Téhéran. Filmée samedi 2 novembre, l’image de cette jeune étudiante - dont l’identité n’a pas été confirmée - est devenue virale. Une image qui illustre le courage des Iraniennes face à la brutalité d’un régime. L’étudiante a été violemment arrêtée et embarquée de force dans un véhicule. Selon un média iranien, elle a ensuite été transférée dans un hôpital psychiatrique. Une information extrêmement préoccupante.
En Iran, les autorités assimilent le fait de protester contre le port obligatoire du voile à des « troubles mentaux » nécessitant un « traitement ». Nous avons déjà documenté des actes de tortures dans les hôpitaux psychiatriques en Iran, tels que l'administration forcée de substances chimiques et des chocs électriques.
Dans un rapport publié en décembre 2023, nous avons aussi documenté que plusieurs personnes embarquées par les forces de sécurité avaient été violées dans les fourgons de police lors de leur transfert dans des lieux de détention.
Les allégations de coups et violence sexuelle lors de l’arrestation de cette jeune étudiante doivent faire l’objet d’une enquête indépendante et impartiale. En attendant sa libération, les autorités iraniennes doivent la protéger de ce qu’elle risque de subir en détention à savoir tortures et autres mauvais traitements. Car nous avons déjà documenté l’horreur des méthodes d’un régime qui opprime les femmes et condamne à mort les dissidents.
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« Femme, Vie, Liberté » : une répression brutale
L’arrestation de cette étudiante iranienne le 2 novembre 2024, intervient plus de deux ans après le soulèvement iranien déclenché suite à la mort de Mahsa Amini. Un soulèvement que les autorités répriment par tous les moyens. Depuis le début des manifestations de septembre 2022 :
➡️Plusieurs centaines de personnes ont été tuées et des milliers arrêtées
➡️Dix iraniens ont été exécutés en lien avec le soulèvement
➡️Des viols et autres violences sexuelles ont été commis à l’encontre de femmes, d’enfants et d’homme en lien avec le soulèvement. Des violences commises pour torturer, intimider et punir les personnes qui remettent en question des décennies d’oppression du régime
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L’oppression des femmes iraniennes
Un « virus », une « maladie sociale », un « trouble » ou encore une « dépravation sexuelle ». C’est ainsi que des fonctionnaires et des médias publics qualifient le fait de ne pas porter le voile en Iran. Dans le pays des mollahs, les femmes qui défient le port obligatoire du voile risquent jusqu’à 10 ans de prison.
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Pour punir les femmes qui sont apparues dans des lieux publics sans leur voile, les autorités leur infligent des peines dégradantes les obligeant par exemple à laver des corps à la morgue. Les technologies de surveillance de masse sont utilisées comme outil de traque des femmes et filles iraniennes ne portant pas le voile dans leur voiture ou dans des lieux publics.
Ils nous font vraiment vivre dans la peur.
Une femme dans la province d’Esfahan qui a reçu un SMS lui ordonnant d’immobiliser sa voiture pendant 15 jours parce qu’elle conduisait sans porter le foulard
Face à cette brutalité implacable du régime, il y a encore ces femmes qui résistent, se soulèvent et rendent vivant et vibrant ce cri devenu soulèvement « Femme, Vie, Liberté ». Cette étudiante, qui avait son corps comme seule arme devant son université à Téhéran, fait partie de ces nombreuses femmes qui s’opposent à des décennies d’oppression. « Cette révolution féministe continuera de travailler la société iranienne pour les années qui viennent. » déclarait Mojgan Keshavarz, activiste iranienne qui a fui l’Iran peu avant la mort de Mahsa Amini.
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Nous l’avions rencontrée au Kurdistan irakien, en octobre 2023, pour notre magazine La Chronique. Elle avait passé plusieurs mois dans les prisons du régime iranien pour avoir milité en faveur de l’émancipation des femmes iraniennes. Elle concluait avec ces mots « Tant que les Iraniennes ne seront pas libres, le pays dans son ensemble ne le sera pas non plus. »
Exigez la fin de l’impunité en Iran !
Deux ans après le début du soulèvement, l’impunité règne encore en Iran.
La communauté internationale doit se montrer à la hauteur du courage des Iraniennes et des Iraniens et tout mettre en œuvre pour que les crimes commis par les autorités ne restent pas impunis.