La Hongrie est soupçonnée d’avoir utilisé Pegasus pour cibler des journalistes et des militants.
Le Projet Pegasus : Ce projet est le fruit d'un travail conjoint entre un consortium de journalistes piloté par l'association Forbidden Stories et nos équipes d'Amnesty Tech. 17 médias internationaux ont pris part au projet. Les journalistes ont eu accès à une liste de plus de 50 000 numéros de téléphones, cibles potentielles du logiciel espion Pegasus. Nos équipes du Security Lab d'Amnesty International ont analysé certains de ces téléphones ciblés et ont pu confirmer qu'ils avaient bien été infiltrés par Pegasus.
C'est une révélation de taille. Une enquête du consortium de journalistes Forbidden Stories a montré que la Hongrie utiliserait le logiciel espion israélien, révélant que les téléphones de plus de 300 citoyens hongrois avaient été identifiés comme cibles potentielles d'infection. Grâce à leurs analyses techniques, nos experts ont confirmé plusieurs cas effectifs d'intrusion du logiciel.
D’après les enquêtes des médias, la Hongrie aurait utilisé Pegasus pour cibler et surveiller des journalistes, patrons de presse ou simple militant. C'est ce qui est extrêmement préoccupant.
Le gouvernement hongrois doit réagir de façon significative aux dernières révélations en date du Projet Pegasus. (…) Si les autorités hongroises étaient au courant de ces violations, elles doivent alors expliquer sur quelle base elles se sont appuyées pour les autoriser.
Dávid Vig, directeur d’Amnesty Hongrie.
Depuis, Le Monde rapporte que le gouvernement hongrois a réagi affirmant « ne pas être au courant d’une quelconque collecte de données » et avoir « toujours agi et continué d’agir conformément à la loi en vigueur.» Pourtant, des preuves de violations des droits sont bien là.
Des journalistes et un militant ciblés
Dans les personnes ciblées, on trouve cinq journalistes dont Andras Szabo et Szabolcs Panyi du site d'investigation hongrois Direkt36. Selon les conclusions des médias ayant mené l’enquête, ces personnes avaient à plusieurs reprises, enquêté sur des sujets pouvant embarrasser le pouvoir, notamment sur des affaires de corruption. Figurant sur la liste des 300 numéros potentiellement visés par Pegasus en Hongrie, nos experts du Security Lab ont procédé à une vérification de leurs téléphones. Leurs analyses confirment que leurs appareils ont été infectés par le logiciel. Cela signifie que les auteurs de l’attaque avaient accès à leur sources, conversations téléphoniques, messages.
Dans la liste figure également un jeune militant belgo-canadien arrêté pour rébellion contre les forces de l'ordre pendant une manifestation. Quelques jours après son arrestation, son téléphone a fait l'objet d'une tentative d'intrusion. Nous avons pu l'analyser mais les analyses n'ont pas permis de confirmer si le logiciel avait pu prendre le contrôle de son appareil.
Des pratiques préoccupantes en Hongrie
Dans le domaine de la surveillance, les pratiques de la Hongrie sont préoccupantes depuis longtemps déjà. La Loi relative au service de sécurité nationale autorise la surveillance secrète sans qu’aucun contrôle extérieur et indépendant ne soit exercé. La nouvelle enquête du Projet Pegasus met en évidence l’urgente nécessité d’une réforme. Le gouvernement hongrois doit mettre en place une réglementation conforme aux dispositions des normes internationales, et instaurant des garanties contre la collecte incontrôlée et une éventuelle utilisation abusive de données.
Les révélations des journalistes du Projet Pegasus démontrent une nouvelle fois que les libertés fondamentales en Hongrie sont menacées : en ciblant des journalistes, c’est la liberté d’expression qui est attaquée.
La Hongrie a déjà fait parler d’elle ces derniers mois. Le pays s’en prend aux droits des personnes LGBTI+ en adoptant des lois ouvertement homophobes et transphobes.
Lire aussi : En Hongrie, une loi anti LGBTI a été votée
Les méthodes d'attaque silencieuse permises par le logiciel Pegasus mettent en grave danger les personnes qui défendent les droits humains. Ces pratiques illégales d’espionnage et de harcèlement généralisé des militants et des journalistes, doivent cesser.
NSO Group, l’entreprise israélienne qui fabrique et commercialise Pegasus, doit bloquer l'accès de ses clients à son logiciel dès lors qu'il existe des preuves crédibles d’utilisation abusive, comme celles que ces révélations fournissent. Nous demandons également la mise en place d'un moratoire sur la vente et le transfert d'équipements de surveillance jusqu'à ce qu'un cadre réglementaire approprié en matière de droits humains soit mis en œuvre.
SURVEILLANCE NUMÉRIQUE CIBLÉE : NON AU BIG BROTHER 2.0
Les attaques numériques contre les défenseurs des droits humains, journalistes et citoyens augmentent. Les révélations du Projet Pegasus en sont un exemple cinglant. Il est temps de mettre fin à cette surveillance illégale ciblée !