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Peine de mort et torture

Arman Abdolali : un jeune iranien torturé puis exécuté

C’est avec énormément de colère et de tristesse que nous avons appris l’exécution d’Arman par les autorités iraniennes. Cette nouvelle est un véritable coup dur. Retour sur un assassinat étatique.

L’exécution, le 24 novembre 2021, d’Arman Abdolali, jeune homme de 25 ans condamné à mort pour un crime survenu alors qu’il était mineur, révèle au grand jour la cruauté du système judiciaire iranien. Utiliser la peine de mort contre une personne qui était mineure au moment des faits reprochés constitue une violation du droit international.

L’histoire d’Arman est des plus révoltantes mais, malheureusement, loin d’être un cas isolé.

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Dans le plus grand secret

Les autorités iraniennes ont exécuté Arman Abdolali dans la prison de Raja’i Shahr, près de Téhéran. Son avocat et sa famille n’ont pas été prévenus. Pire, ses proches n’ont pas été autorisés à lui rendre une dernière visite. Cela est contraire au droit iranien : les avocats doivent être informés de l’exécution de leurs clients 48 heures à l’avance.

Selon nos informations, un responsable a appelé les parents d’Arman Abdolali vers une heure du matin le 24 novembre 2021 pour leur dire de venir immédiatement à la prison de Raja’i Shahr, sans leur donner plus d’informations. Lorsqu’ils sont arrivés à la prison, les autorités pénitentiaires les ont informés que son nom ne figurait pas sur la liste des personnes devant être exécutées à l’aube ce jour-là.

Il a été exécuté quelques heures plus tard.

Le secret qui a entouré l’exécution d’Arman Abdolali est conforme à la pratique très préoccupante des autorités iraniennes. Elle consiste à exécuter, en secret ou dans de brefs délais, les personnes condamnées à mort pour des crimes commis alors qu’elles étaient mineures. Cela leur permet de limiter les possibilités d’interventions publiques ou privées visant à leur sauver la vie.

Le 2 août 2021, les autorités iraniennes ont exécuté en secret un autre jeune homme, Sajad Sanjari, qui était mineur au moment de son arrestation. Avant cela, ils l’ont maintenu en détention dans le quartier des condamnés à mort pendant près de 10 ans.

Une torture mentale prolongée

Avant d’exécuter Arman Abdolali le 24 novembre 2021, les autorités iraniennes avaient déjà programmé son exécution à sept reprises au moins, la reportant à chaque fois d’une mobilisation internationale à laquelle nous avons participé. Les cinq dernières fois se sont produites sur une période de moins de six semaines, entre le 13 octobre et le 21 novembre 2021.

À chaque fois, les autorités ont placé Arman Abdolali à l’isolement en prévision de son exécution, puis l’ont ramené dans l’unité générale de la prison. Ces allers et retours ont provoqué une peur et une angoisse intolérable, souvent accompagnés de « derniers » adieux. Nous considérons que la souffrance morale infligée était délibérée et donc une forme de torture.

En outre, le principe de qisas, a également été un élément déterminant dans la torture mentale infligée à Arman Abdolali. On vous explique.

Lire aussi : Ces cinq pays qui ont exécuté le plus de personnes en 2020

La loi du talion

En vertu du droit iranien, le principe de qisas (réparation) est une théorie s’apparentant à la loi du talion, qui consiste à faire subir aux personnes reconnues coupables de meurtre le même sort que celui qu’elles ont infligé à leur victime. La loi donne le pouvoir de décision aux proches de la victime, qui peuvent exiger et faire appliquer la condamnation à mort de l’accusé ou lui accorder leur pardon en échange du « prix du sang » (diya).

Dans un premier temps, pour toutes les affaires de meurtre, la famille de la victime est habilitée à réclamer que la peine de mort soit prononcée et appliquée selon le principe de qisas. Il s’agit de l’aspect privé de la détermination de la peine. Ensuite, si la famille de la victime décide de renoncer à la peine capitale, l’État peut condamner l’accusé à une peine de trois à 10 ans de prison. C’est l’aspect public de la détermination de la peine. Ce double système confronte, de fait, des familles de victimes qui ne sont pas forcément favorables à la peine de mort à la perspective de voir le ou la responsable de la mort de leur proche être libéré de prison au bout de quelques années.

Par conséquent, le système de qisas implique la famille de la victime dans l’homicide.

Cette pratique expose notamment les condamnés à de longues périodes d’incertitude et d’agonie dans le couloir de la mort, excédant parfois 10 ans. Souvent, le délai est si long car la famille de la victime hésite à demander l’application de la peine de mort, tout en ne souhaitant pas permettre la libération du prisonnier au bout de seulement quelques années. Parmi les autres sources de préoccupation figurent les pardons accordés à la dernière minute par la famille de la victime, parfois quelques minutes avant l’exécution, alors que le prisonnier a déjà la corde au cou.

Quand les autorités iraniennes reportent une exécution en réaction à des interventions internationales et à une campagne publique, elles essaient généralement de jouer les médiateurs entre la famille de la victime et celle de l’accusé pour qu’elles négocient un pardon contre le « prix du sang » (diya). Le diya peut comprendre des demandes financières exorbitantes, l’abandon de droits de propriété, la réinstallation non choisie dans une autre ville, la reconnaissance forcée de la culpabilité et/ou le renoncement à toute revendication d’innocence et toute allégation de torture

Le principe de qisas tel qu’il est pratiqué en Iran viole le droit à une procédure régulière garanti par le droit international, notamment en ne permettant pas aux personnes condamnées à mort de solliciter une grâce ou une commutation auprès de l’État. La pratique consistant à verser le « prix du sang » est aussi source de préoccupation car elle entraîne une discrimination fondée sur la richesse, l’origine sociale ou les biens. En effet, un criminel riche peut effectivement acheter sa liberté alors qu’un criminel pauvre ne le peut pas.

L'histoire d'Arman Abdolali

Arman Abdolali a été condamné à mort à la suite d’un procès inique au cours duquel on lui aurait arraché des « aveux » sous la torture. Il est accusé d’avoir tué sa petite amie, disparue en 2014, dont on n’a jamais retrouvé le corps. Il avait 17 ans au moment des faits qui lui sont reprochés. Pourtant, lors de son jugement, le tribunal pénal a considéré qu’il avait atteint la « pleine maturité » car le meurtre aurait été justement commis sans laisser de trace. Pour établir qu’Arman Abdolali était suffisamment « mûr » pour mériter la peine de mort, le tribunal s’est également appuyé sur l’opinion d’une conseillère auprès des tribunaux pour les enfants et adolescents. Elle avait déclaré que le jeune homme comprenait le caractère « abject » du crime commis. La Cour suprême a confirmé la déclaration de culpabilité et la peine d’Arman Abdolali en juillet 2016.

En février 2020, la Cour suprême a accordé à Arman Abdolali le droit d’être rejugé après avoir constaté que la conseillère avait retiré son avis initial, reconnaissant l’avoir donné sans avoir personnellement rencontré Arman Abdolali ni étudié son dossier judiciaire. Le nouveau procès, qui s’est tenu a porté essentiellement sur la « maturité » d’Arman Abdolali au moment du crime. En septembre 2020, le tribunal a statué qu’il était impossible de déterminer le degré de « maturité » d’Arman Abdolali tant d’années après les faits et que, en l’absence d’éléments prouvant le contraire, on pouvait considérer que le jeune homme était « pleinement mûr » et donc entièrement responsable pénalement. La Cour suprême a confirmé ce verdict en février 2021.

Les décisions judiciaires dans l’affaire Arman Abdolali témoignent des lacunes de la justice pour mineurs en Iran. Elle considère que, dans les affaires de meurtre et d’autres crimes passibles de la peine de mort, les garçons âgés de plus de 15 années lunaires et les filles âgées de plus de neuf années lunaires sont tout aussi responsables que des adultes. Ces enfants peuvent, par conséquent, être condamnés à mort.

Nous rappelons, qu’en vertu du droit international, l’interdiction du recours à la peine de mort contre des personnes mineures au moment des faits est absolue. Cela signifie qu’elle ne doit jamais être assortie de conditions telles que la « maturité » ou la « conscience de la gravité du crime ».

En 2020, trois personnes ont été exécutées en Iran pour des crimes qu’elles auraient commis alors qu’elles étaient mineures. Plus généralement, avec 246 exécutions en 2020, l’Iran est le deuxième plus grand bourreau au monde.

Agir

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