Les combats au Tigré, région du nord de l’Éthiopie, ont commencé le 4 novembre 2020. S’en est suivi une véritable vague de violations des droits humains et du droit international humanitaire. Des milliers de civils ont été tués,des centaines de milliers de personnes ont dû quitter leur lieu de vie et parmi elles, au moins 63 000 se sont réfugiées au Soudan. Pourtant, le silence de la communauté internationale est assourdissant.
La montée en puissance des tensions politiques en Éthiopie a débuté en 2018, lorsque qu’Abiy Ahmed est devenu Premier ministre. Ce dernier a peu à peu écarté du pouvoir fédéral le Front de Libération du Peuple du Tigré (FLPT), qui était une force politique dominante en Éthiopie depuis 1991.
Par ailleurs, l’accord de paix avec l’Érythrée qui a valu à Abiy Ahmed son Prix Nobel en 2019, apparaît avec le recul comme l’émergence d’une alliance militaire entre les deux pays. Une alliance qui a permis au Premier ministre éthiopien de reprendre le contrôle du Tigré.
Amnesty International et d’autres organisations ont recensé une série de crimes de guerre et de possibles crimes contre l’humanité. De nombreuses sources fiables indiquent également que des soldats éthiopiens et érythréens infligent des violences sexuelles, notamment des viols en réunion, à des femmes et des jeunes filles.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a temporisé pendant des mois, avant de finalement prendre acte avec préoccupation de la situation de plus en plus désespérée dans le Tigré. L’Union africaine et les gouvernements de la région ont, quant à eux, très peu agi afin de condamner de vraisemblables crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
La réaction de l’Union africaine et des Nations unies est pour l’instant terriblement insuffisante.
Deprose Muchena, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International
Des violations commises par tous les camps
Le gouvernement éthiopien n’a pas donné suite aux requêtes déposées par Amnesty International afin de se rendre dans le Tigré. L’accès à cette zone est rendu extrêmement difficile pour les ONG comme pour les journalistes. Les communications sont des plus restreintes. Il est difficile dans ces conditions de confirmer les allégations de violations des droits humains.
Nous avons cependant pu recueillir des renseignements sur de nombreuses exactions, en enquêtant sur la base de sources d’information ouvertes (analyse d’images satellite, vérification d’éléments vidéo, entretien avec des dizaines de victimes…).
Parmi les atrocités recensées figure le massacre de centaines de civils à Mai-Kadra. Survenu dans l’ouest du Tigré, les 9 et 10 novembre 2020, ce dernier est imputé à des forces loyales au Front de libération du peuple du Tigré. Quelques jours plus tard, les 28 et 29 novembre, des soldats érythréens ont tué des centaines de civils à Aksoum. Des agissements s’apparentant très certainement à un crime contre l’humanité.
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Le 12 avril 2021, ces mêmes soldats ont tiré à l’aveuglette sur des civils à Adwa. Bilan :trois morts et 19 blessés.
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Depuis que les autorités ont autorisé les médias internationaux à se rendre dans le Tigré, à la fin du mois de février, différents reportages ont confirmé les atrocités commises, et ont même révélé de nouvelles violations présumées. Des allégations de nettoyage ethnique dans l’ouest du Tigré sont fortement suspectées. Ainsi que des dizaines de milliers de personnes déplacées de force.
Il est inconcevable que le monde regarde sans rien faire tandis que les femmes et les jeunes filles du Tigré risquent d’être victimes de violences sexuelles.
Deprose Muchena
Parallèlement, des agences humanitaires ont signalé des attaques et des pillages ayant visé des hôpitaux et d’autres établissements médicaux à travers le Tigré.
Une aide humanitaire entravée
Amnesty International a exhorté à maintes reprises l’ensemble des parties au conflit dans le Tigré à autoriser un accès sans restriction à l’aide humanitaire. Le 27 avril, les Nations unies ont évoqué des « améliorations » mais l’assistance humanitaire peine toujours à intervenir dans les meilleurs délais.
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En mars, l’une des missions de l’organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF) a été brutalement interrompue à deux reprises. Les employés de MSF ont vu des soldats procéder à des exécutions extrajudiciaires au bord de la route. Des soldats les ont interceptés, ont tiré le chauffeur éthiopien hors du véhicule de MSF et l’ont frappé avec la crosse d’un fusil avant de menacer de le tuer.
Un risque de famine
Le déplacement massif de personnes issues des zones agraires du Tigré place la zone en situation d’insécurité alimentaire extrême. Des destructions délibérées de cultures et des pillages de réserves de céréales achèvent de confirmer le risque imminent de famine.
D’autres zones de l’Éthiopie voient la violence à l’encontre des civils s’intensifier. C’est le cas notamment des régions Amhara, Benishangul et Oromia.
Si la communauté internationale continue à n’offrir qu’une réponse tiède face au conflit dans le Tigré, il existe un réel danger que la situation, déjà dramatique, échappe bientôt à tout contrôle.
Deprose Muchena
Une réaction de la communauté internationale à la hauteur de la situation est plus que jamais nécessaire et urgente !
Nous appelons les dirigeants Africains et du reste du monde à s’exprimer et à agir pour :
Condamner fermement les graves atteintes aux droits humains constatées qui incluent des crimes de guerre et de possibles crimes contre l’humanité
Prendre des mesures permettant d’endiguer la vague de violations des droits humains et du droit international humanitaire.
Lancer une enquête internationale indépendante sous l'égide de l'ONU pour faire toute la lumière sur les violations des droits humains et du droit international humanitaire commises par tous les camps.
Amener les responsables présumés de ces violations à rendre des comptes, signalant ainsi clairement que l’impunité n’a pas droit de cité.
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