Ces dernières années, de nombreux Afghan·es ont fui le régime taliban vers les pays voisins, tels que le Pakistan. Au lieu d’y être accueillies dignement, ces personnes sont en butte à des vagues d’arrestation et de détention arbitraires. Le 17 septembre 2023, le ministre de l’Intérieur pakistanais, Sarfraz Bugti, a durci le ton en leur ordonnant de quitter le pays. Depuis, les réfugiées afghan·es, et notamment les femmes, vivent dans la crainte d’être renvoyées de force.
Le 17 septembre, le gouvernement pakistanais a lancé un ultimatum, ordonnant à tous les « étrangers non enregistrés » de quitter le pays avant le 1er novembre.
Depuis cette annonce, ce sont plus de 170 000 Afghan·e·s, selon les chiffres officiels, qui ont fui le pays par crainte de représailles. Un grand nombre de ces personnes vivaient au Pakistan depuis des dizaines d’années.
Leur sort est incertain. Notamment celui des milliers de femmes et de filles qui avaient fui les persécutions sexistes des talibans dans leur pays.
Des commerçant·es afghan·es arrêtés arbitrairement et dépouillés
Le 1er novembre, au moins 12 petits commerçants titulaires d’une carte de citoyen afghan en cours de validité ont été détenus pendant plus de 24 heures aux postes de police de Nishtar Colony et de Garden Town, à Lahore, sans être présentés devant un tribunal ni avoir fait l’objet d’un procès-verbal introductif.
Comme toute la communauté afghane, nous vivons dans l’angoisse permanente. Nous fermons nos portes dès que nous entendons des voitures de police dans le secteur.
Junaid, réfugié afghan au Pakistan
Le 24 octobre, des commerçants afghans d’Akbari Mandi à Lahore ont été fouillés pour trouver leurs papiers par des individus en civil qui se sont présentés comme des policiers et ont saisi 500 000 roupies pakistanaises (environ 1 650 euros) en liquide.
Des personnes réfugiées assises à côté de leurs effets personnels à Chaman, à la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan, 8 novembre 2023 © Banaras KHAN / AFP
Des réfugié·es afghan·es expulsés et leurs maisons démolies
Jusqu’à présent, la police enregistrait les dossiers des personnes rentrées illégalement dans le pays. Désormais, le gouvernement menace d’enfermer ces personnes dans des centres de détention.
Des avertissements ont été diffusés par le biais de tracts ou de haut-parleurs indiquant que toute personne qui fournirait un logement à des réfugié·e·s afghans sans-papiers aurait une amende ou serait arrêtée.
Selon Farah*, une journaliste vivant à Peshawar, alors que la plupart des Afghan·e·s sont refusés, « les propriétaires qui proposent des concessions demandent un loyer cinq fois plus élevé qu’en temps normal ».
Depuis début octobre, plusieurs katchi abadis (quartiers informels) où s’étaient installés des réfugiée·s afghans ont été démolis par l’Office de développement de la capitale (CDA) à Islamabad, sans vraiment respecter la procédure légale ni diffuser d’avertissement.
Des maisons ont été détruites alors que les affaires des habitants se trouvaient encore à l’intérieur.
De nombreuses femmes installées dans des campements à majorité afghane vivent dans une angoisse extrême et constante. Selon l’avocate spécialiste des droits humains Moniza Kakar, qui représente des réfugiée·s afghans à Karachi, « de nombreuses femmes dorment entièrement couvertes (de voiles) parce qu’elles ont peur des descentes de police nocturnes effectuées par des policiers masculins ».
Des personnes séparées de leurs familles et placées en centres de détention
Selon le gouvernement, 49 centres de détention (également appelés centres de « rétention » ou de « transit ») ont été créés. D’autres pourraient également voir le jour à travers le Pakistan. Ces centres d’expulsion n’ont pas été bâtis en vertu d’une loi précise et sont gérés en parallèle du système légal. Ils portent atteinte aux droits à la liberté et à un procès équitable.
Nous avons pu constater que les détenu·es sont privés de leurs droits (notamment celui de consulter un avocat et de communiquer avec leur famille), dans au moins sept de ces centres. En outre, aucune information n’a été rendue publique. Nous avons pu confirmer auprès de journalistes que les médias n’ont pas non plus accès à ces centres, ce qui pose question en matière de transparence.
Il est donc difficile pour les familles de retrouver leurs proches. Elles sont parfois sans nouvelles de leurs enfants expulsés en lieu inconnu .
Une femme afghane © Kiana Hayeri / Amnesty International
Selon le témoignage de Maryam*, militante afghane d’Islamabad, le 2 novembre, plusieurs réfugié·e·s afghans ont été placés en détention au poste de police de Shalimar et « ceux qui n’avaient pas de papiers ont été transférés pour être expulsés, tandis que leurs proches n’ont reçu aucune information sur l’endroit où ils étaient conduits ni sur la date de leur expulsion ».
Ceux qui n’avaient pas de papiers ont été transférés pour être expulsés, tandis que leurs proches n’ont reçu aucune information sur l’endroit où ils étaient conduits ni sur la date de leur expulsion
Maryam* : le nom a été modifié pour protéger l’identité de la personne interrogée.
Retourner en Afghanistan n’est pas une option
Des milliers de réfugié·e·s afghans risquent d’être renvoyés vers l’Afghanistan, sous régime taliban, où leur vie et leur intégrité physique sont en péril. Si le gouvernement pakistanais ne met pas fin rapidement aux expulsions, il privera des milliers d’Afghan·es en danger, particulièrement les femmes et les filles, de leur droit à la sécurité, à l’éducation et à des moyens de subsistance.
Environ 200 journalistes afghans sont également menacés au Pakistan d’après le Forum international des journalistes pakistanais et afghans.
Asad*, journaliste afghan qui se cache au Pakistan depuis que les talibans ont pris le pouvoir en 2021, a déclaré : « Bien que je sois entré au Pakistan avec un visa valide et que j’aie demandé son renouvellement, je n’ai rien à montrer aux autorités si elles se présentent à ma porte. J’ai cessé d’envoyer mes enfants à l’école depuis deux semaines… »
Asad et sa famille ont fui l’Afghanistan en 2021 lorsque ses amis et collègues ont été assassinés à l’arrivée au pouvoir des talibans. Il a expliqué : « Je figure sur plusieurs listes tenues par les talibans et je suis sûr de me faire tuer si j’y retourne. »
Je figure sur plusieurs listes tenues par les talibans et je suis sûr de me faire tuer si j’y retourne.
Asad* : le nom a été modifié pour protéger l’identité de la personne interrogée.
Nos demandes
Le Pakistan doit s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du droit international afin de garantir la sécurité et le bien-être des réfugié·es afghans à l’intérieur de ses frontières et de mettre immédiatement un terme aux expulsions afin d’éviter que la crise ne s’aggrave.
Le gouvernement, en collaboration avec le HCR, doit accélérer l’enregistrement des personnes demandant l’asile au Pakistan, en particulier les femmes et les jeunes filles, les journalistes et les membres de minorités et de communautés ethniques, car ils sont exposés à des dangers accrus.
Le gouvernement du Pakistan doit cesser sur-le-champ d’arrêter, d’expulser et de harceler les réfugié·e·s afghans.
le gouvernement français doit faciliter la délivrance de visas pour les femmes et filles afghanes à la recherche de protection
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Demandez à Emmanuel Macron de faciliter la délivrance de visas pour les femmes afghanes en exil. Signez notre pétition maintenant !