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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

Nos équipes interviewant un homme originaire d'Hodeidah déplacé à Alden © Amnesty International
Conflits armés et protection des civils

Dans l’enfer de l’exode pour les civils yéménites

Les civils au Yémen luttent pour rester en vie, alors que les attaques terrestres et aériennes se succèdent. Nous avons mené une enquête de terrain dans le sud du pays sur une bataille qui fait rage pour reprendre les gouvernorats de la côte ouest aux mains du groupe armé houthi.

Les civils déplacés ont évoqué l'exode causé par les combats qui s'intensifient. Selon les Nations unies, les affrontements le long de la côte ouest du Yémen ont entraîné ces derniers mois le déplacement de quelque 100 000 personnes, pour la plupart des habitants du gouvernorat de Hodeidah.

Lire aussi : ces ventes d'armes qui alimentent le conflit

Les civils pris au piège

D'après les personnes déplacées, ces dernières semaines, les lignes de front sont en perpétuel mouvement, les forces houthies et gouvernementales se disputant le contrôle de différentes zones. Alors que les belligérants se livrent un combat féroce, les munitions, les balles et les obus ravagent les maisons des civils.

Les civils pris au piège subissent des violations du droit international humanitaire commises par les deux camps.

Les combattants houthis ont tiré de nombreux obus de mortiers, dont chacun sait qu'ils sont imprécis, sur des zones d'habitation civile. D'après un habitant de Hays, un obus a frappé la cour d'un hôpital le 25 mars, blessant son fils de 13 ans et tuant un pharmacien et une infirmière. L'usage de mortiers à proximité de zones fortement peuplées de civils bafoue l'interdiction des attaques menées sans discrimination.

En outre, les forces houthies mettent les civils en danger en installant des troupes et des véhicules dans des quartiers civils. Elles auraient également miné des routes et empêché des civils de partir, et ont parfois chassé des habitants de chez eux dans des secteurs récemment repris au gouvernement.

Selon des survivants, les frappes aériennes menées par la coalition que dirige l'Arabie saoudite ont tué des civils et plongé la population dans la peur permanente de la mort. Des civils déplacés ont raconté que trois civils ont été tués dans deux frappes aériennes à Zabid et al Jarrahi en janvier.

Notre dossier spécial : Yemen, un conflit qui s'éternise

Une fuite dangereuse

Fuir a un coût. La vaste majorité des personnes avec lesquelles nos chercheurs se sont entretenus ont affirmé qu'elles ne pouvaient financer le voyage qu'en vendant des biens de valeur, comme des alliances, des titres de propriété ou du bétail.

Pour monter à bord de bus et de camions privés, elles ont versé en moyenne la somme de 10 000 riyals par personne (environ 25 euros au taux de conversion en vigueur dans les territoires contrôlés par les Houthis), une petite fortune au regard de l'économie locale, car beaucoup de Yéménites ont perdu leur travail depuis le conflit. Dans certains cas, les familles nombreuses ont versé jusqu'à 150 000 riyals (405 euros).

Routes minées, postes de contrôle houthis et autres dangers le long du chemin : ce qui aurait dû être un voyage de six heures jusqu'à Aden est devenu pour certains un calvaire de trois jours.

Des bus transportant des civils ont explosé sur des mines et autres engins explosifs, qu'auraient placés les Houthis pour stopper la progression des forces gouvernementales. Deux personnes ont affirmé avoir vu des corps déchiquetés le long de la route. Un fermier interrogé dans un hôpital où sa fille se trouve en soins intensifs a raconté qu'il fuyait avec ses huit enfants et d'autres proches durant la première semaine de mai, lorsqu'ils ont roulé sur une mine. Sa fille de 13 ans a été grièvement blessée et la grand-mère de son épouse a perdu la vie. Les mines terrestres, non discriminantes par nature, sont interdites par le droit international.

Une femme nous a confié qu'elle avait fait une fausse couche dès son arrivée à Aden, due selon elle à la peur et à la fatigue causées par le voyage.

Une femme de Qataba, âgée de 25 ans, s'est dite terrifiée au point qu'elle s'est couvert les yeux pendant presque toute la durée du voyage et n'a pas allaité son bébé pendant les 13 dernières heures : « C'était un voyage très difficile. Dieu sait que nous avons souffert. Les missiles pleuvaient sur nos têtes. Quelqu'un nous arrêtait pour nous avertir de la présence de projectiles, puis un autre nous arrêtait pour nous avertir de la présence de mines, et nous ne faisions que crier. Depuis le moment où nous sommes partis jusqu'à notre arrivée, nous avons crié et pleuré. Nous avons vu des cadavres et des corps déchiquetés. Nous ne pensions pas survivre. Nous étions persuadés que nous allions mourir… [mais] à la fin, nous espérions mourir plutôt que d’endurer ces épreuves. »

Elle a réussi à emmener avec elle ses deux filles, âgées de neuf mois et quatre ans, mais dans le chaos des combats, elle a laissé sa mère et son fils de sept ans derrière, à Qataba.

Des civils qui payent le prix

Certains civils se sont déplacés dans des régions un peu plus sûres dans le gouvernorat de Hodeidah. D'autres se sont rendus dans les gouvernorats du sud, notamment Aden, Lahj et Abyan, ainsi que vers l'est, dans les gouvernorats de l'Hadramaout et de Mahra, aux confins du pays.

En l'absence de camps officiels pour personnes déplacées, la plupart des civils interrogés à Aden se sont réfugiés dans des abris de fortune, dans des installations précaires, dont des bâtiments en construction ou en ruines, gravement endommagés lors de la précédente vague de combats entre les Houthis et les forces gouvernementales à Aden en 2015. Les traces de ces précédents affrontements abondent – des bâtiments détruits aux panneaux indiquant la présence de mines dans le secteur.

Nous sommes très inquiets face à ces attaques menées semble-t-il sans discrimination et d'autres violations du droit international humanitaire. Toutes les parties sont tenues de faire tout leur possible pour protéger les civils. Or, elles mettent en péril la vie et les moyens de subsistance de centaines de milliers de personnes.

Les civils terrorisés qui fuient ont dénoncé toute une série de violations des droits humains. Nous demandons à tous les belligérants de respecter le droit international humanitaire et de ne plus mettre en péril la vie des civils.

Agir

Soutenez une enquête parlementaire

C’est la rentrée parlementaire en France. Vous avez 15 jours pour demander l'ouverture d'une commission d’enquête parlementaire sur les ventes d’armes françaises aux pays engagés dans le conflit au Yémen.