Le conflit au Tigré, dans le nord de l'Éthiopie, est devenu ces dernières années l'un des plus violents et meurtriers de la planète. Pourtant, personne ou presque n'en parle. Nos chercheurs enquêtent sur les crimes de guerre, crimes contre l'humanité et les crimes sexuels commis dans le cadre de ce conflit. Le 2 novembre 2022, un accord de paix a été signé. Mais le combat continue pour faire cesser les violations et que les auteurs des crimes les plus graves soient traduits en justice. Retour sur cette guerre meurtrière qui se déroule à l'abri des regards.
Des centaines de victimes de viols et d’esclavages sexuels, un nettoyage ethnique, des dizaines de milliers de civils tués., des crimes de guerre… Quand on pense à la guerre aujourd’hui, on pense à Israël/Gaza, l'Ukraine ou encore au Yémen. Mais non… Nous sommes en Éthiopie où le conflit au Tigré se déroule à huis clos. Des massacres sont perpétrés loin des regards. Pourquoi ? Parce que le gouvernement a empêché tout accès à la zone de conflit, le Tigré, une région montagneuse située au nord de l’Éthiopie. Journalistes, humanitaires, chercheurs : aucun observateur n’a été autorisé à y entrer. Nous avons malgré tout réussi à contourner ce black-out imposé et à enquêter pour dénoncer ce qu’il s’y passe.
Lire aussi : Ethiopie : exécutions illégales en Amhara, les responsables doivent être traduits en justice
Des crimes commis malgré le cessez-le-feu
En novembre 2022, le gouvernement éthiopien et le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) signaient un accord de cessez-le-feu pour amorcer un processus de paix après 2 ans d’un conflit sanglant. La lueur d’espoir aura été de courte durée.
Notre nouvelle enquête prouve que les atrocités commises contre les populations civil·es dans le Tigré se sont poursuivies malgré cet accord de paix.
Pendant près de trois mois après la signature de l’accord du cessez-le-feu, les soldats des forces de défenses érythréennes (FDE) ont violé et réduit en esclavage sexuel des femmes, et exécuté de manière extrajudiciaire 24 civil·es dans le district de Kokob Tsibah.
En résumé
👉 Que se passe-t-il au Tigré ? Les Tigréens ont dominé la vie politique en Éthiopie pendant près de trente ans, jusqu’à l’arrivée au pouvoir, en 2018, d’Abiy Ahmed en tant que Premier ministre. Les autorités tigréennes se retirent alors dans leur région, au nord du pays, en reprochant une marginalisation de la minorité tigréenne par le pouvoir. Quelques mois plus tard, le 4 novembre 2020, le gouvernement décide d'envahir le Tigré pour prendre le contrôle de la région. Les forces armées gouvernementales sont notamment soutenues par les forces de la région Amhara, voisine du Tigré, et de l'Érythrée, pays frontalier situé au nord du Tigré. Face à cette attaque, le FLPT tente dans un premier temps de résister, avant de contre-attaquer...
👉 Pourquoi n’en entend-on pas parler ? Le gouvernement éthiopien, dirigé par Abiy Ahmed, a interdit l’accès aux territoires touchés par les combats. Cela rend le conflit très difficile à documenter.
👉 Ce que nos recherches ont révélé. Depuis le début des combats, en 2020, des dizaines de milliers de civils ont été tués, des millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays et 61 000 personnes ont fui au Soudan. Nos recherches le prouvent : le viol a été utilisé comme arme de guerre, de nombreux crimes de guerre ont été perpétrés par les deux parties au conflit, plusieurs homicides de masse ont eu lieu et les forces amharas se sont rendues coupables de crime contre l'humanité en menant une campagne de nettoyage ethnique envers les Tigréens.
Éclairage de notre chercheur Fisseha Tekle, qui a travaillé sur l’Éthiopie pendant plus de quinze ans.
© OCHA/ReliefWeb
L'Éthiopie, qui compte 110 millions d'habitants, est la deuxième plus grande population du continent. Au nord du pays se trouve le Tigré, une région montagneuse où vivent environ six millions de personnes. Dans la région du Tigré se trouve le Tigré occidental, une zone administrative. Les revendications territoriales sur la partie occidentale du Tigré sont sources d’importants conflits frontaliers et identitaires depuis 1992.
1. Comment est née la guerre du Tigré ?
Le conflit en Éthiopie a officiellement démarré dans la nuit du 3 au 4 novembre 2020. Le gouvernement éthiopien a accusé les forces du Front de libération des peuples du Tigré (TPLF en anglais) d'avoir attaqué l’armée fédérale éthiopienne basée au Tigré et a décidé de lancer une offensive dans cette région.
En réalité, les tensions politiques datent de bien avant. Lorsque le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed est arrivé au pouvoir, en avril 2018, les autorités régionales du TPLF [qui ont dominé la vie politique pendant près de trente ans, ndlr] lui ont reproché de les avoir écartées du pouvoir et de marginaliser la minorité tigréenne du pays. De son côté, le gouvernement accusait le TPLF de soutenir des forces d’oppositions, favorisant les tensions dans le pays.
En 2020, en raison de la pandémie de coronavirus, le gouvernement fédéral a reporté à deux reprises des élections qui devaient se tenir au printemps. Mécontents, les leaders du TPLF ont décidé d’organiser leurs propres élections, en septembre 2020, élections dont ils sont sortis vainqueurs. Ce scrutin a été jugé illégal par le pouvoir fédéral, qui a annoncé dans la foulée une suspension des fonds fédéraux pour la région. À partir de là, tout le monde s’est préparé à la guerre…
2. Qui sont les principaux acteurs de ce conflit ?
Le conflit, qui a éclaté en novembre 2020, oppose en premier lieu le gouvernement fédéral éthiopien au gouvernement régional du Tigré. Mais il a ravivé d’anciennes querelles et de nombreux acteurs s’y sont greffés. De manière générale, tous ceux qui avaient un grief envers le TPLF et sa gouvernance passée de l'Éthiopie ont apporté leur soutien au gouvernement fédéral. C’est le cas des régions d’Amhara et d’Afar qui bordent le Tigré, mais aussi de l’Érythrée, qui a envoyé des forces armées en soutien au gouvernement.
3. Quels sont les moments clés du conflit ?
En novembre 2020, le gouvernement fédéral et ses alliés ont lancé une offensive pour prendre le contrôle du Tigré. Les combats ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés. Ils ont plongé le nord du pays dans une profonde crise humanitaire. Durant cette offensive, nous avons répertorié de nombreuses violations des droits humains touchant les civils : bombardements, destruction d’hôpitaux, d’écoles, d’églises, mais aussi exécutions extrajudiciaires de masse et restriction des accès à l’aide humanitaire. Nos recherches ont également établi que le viol et les violences sexuelles avaient été alors utilisées comme armes de guerre.
Alors que le 28 novembre 2020, le Premier ministre déclarait la victoire, en juin 2021, les combattants pro-TPLF avaient repris l’essentiel du Tigré puis avancé dans les régions voisines d'Afar et d'Amhara, progressant jusqu’à 200 kilomètres de la capitale Addis-Abeba. Au cours de cette période, nous avons pu documenter des violations graves des droits humains, dont des viols et violences sexuelles, lors d'attaques menées par les forces tigréennes dans la région Amhara.
Après ça, les forces gouvernementales ont réussi à repousser le TPLF, qui a battu en retraite pour revenir dans sa région du Tigré. Nous en sommes là aujourd’hui.
Lire la suite de l'éclairage pour mieux comprendre ce conflit.
Une guerre à huis clos
Rares sont donc les observateurs qui ont pu se rendre au Tigré depuis l’éclatement du conflit, le 4 novembre 2020. Le journaliste Charles Emptaz en fait partie. Mais il a fallu ruser. “Pour y aller, ça a été deux ans de travail, pour trouver le trou de souris par lequel se glisser” dit-il.
Dès le début du conflit, le gouvernement renvoie toutes les voix indépendantes (journalistes, experts., etc.), et barre l’accès à la région. Il coupe le téléphone, Internet et restreint l’accès aux médias. “La stratégie de l’État Ethiopien était claire : il ne voulait pas d’observateurs sur place. Tout était fait pour que ce qui se passe au Tigré reste en dehors des regards” explique le journaliste. “Le pire, c’est que ça a plutôt bien marché. Le conflit en Éthiopie est un angle mort de l’actualité. C’est un pays hors des radars.”
Entretien avec Charles Emptaz, journaliste indépendant.
Quand avez-vous commencé à vous intéresser à l’Éthiopie ?
Je me suis toujours intéressé aux zones situées en dehors des radars, aux pays dont on parle peu. J’aime défier la règle du « kilomètre-mort », cette règle qui veut que plus les drames sont proches de nous, plus ils sont importants. Je pense que les drames éloignés de nous ont beaucoup à nous dire. Je les crois fondamentalement importants.
Un jour, je suis tombé sur un reportage à propos de migrants éthiopiens qui traversaient la mer Rouge pour aller travailler en Arabie saoudite. Avec mon collègue photographe, Olivier Jobard, on s’est motivé pour suivre ces Éthiopiens de la frontière jusqu’au Yémen. Leur traversée se faisait dans des conditions épouvantables. Des gens sont littéralement morts sous nos yeux. À travers ce drame, on a aussi pris conscience des conflits qui existaient entre les peuples éthiopiens. Des réfugiés s’entretuaient avant la traversée. Il y avait des antagonismes très forts, notamment entre les Oromos (l’ethnie à laquelle appartient le Premier ministre actuel, Abiy Ahmed) et les Tigréens. On sentait qu’il y avait quelque chose d’explosif.
Comment avez-vous réagi lors de l’éclatement du conflit, le 4 novembre 2020, au Tigré ?
Quand la guerre a éclaté, on est tout de suite partis avec Olivier à la frontière, du côté soudanais. On a vu les Tigréens fuir, dès les premiers jours du conflit. On a recueilli les premiers témoignages de gens horrifiés, dont la vie avait complètement basculé en quelques jours. Sachant que le Tigré était une des régions les plus développées d’Éthiopie, les réfugiés qui fuyaient parlaient très bien anglais. Leurs témoignages étaient précis, glaçants. On a tout de suite eu une idée de l’horreur du conflit. Et un objectif : se rendre au Tigré.
On a travaillé pendant des mois, pour trouver un trou de souris par lequel s’infiltrer. Finalement, on a réussi à trouver une faille : on est entré avec l’aide de passeurs et de trafiquants qui acheminaient des produits de contrebande jusqu’au Tigré. Une fois entrés, il a été facile d’enquêter. Les gens avaient envie de parler. Ils voulaient que le monde sache ce qu’il se passait, les drames qu’ils traversaient. Je suis allé des deux côtés. J’ai vu l’ampleur de la tragédie pour les populations civiles.
Malheureusement, peu de personnes sont au courant qu’il s’agit d’un des conflits les plus meurtriers du monde. Comment l’expliquez-vous ?
C’est une région mal connue chez nous. La sphère anglo-saxonne se porte plus vers l’Afrique de l’Est pour des raisons historiques, de sphère d’influence. En France, on a du mal à situer l’Éthiopie sur une carte. Et en dehors de quelques images d’Épinal (le café ou la course à pied), le pays n’évoque pas grand-chose. C’est un pays habituellement hors de nos radars.
À cela s’ajoute la volonté de l’État éthiopien de ne pas avoir d’observateurs. La fermeture des accès à la région du Tigré, la coupure de toutes les télécommunications : tout a été fait pour que ce conflit se déroule à huis clos. Et le pire, c’est que ça a marché. Cette fermeture a permis d’étouffer la parole, de mener guerre civile sans en subir pleinement les conséquences internationales.
Est-ce qu’une guerre sans image, c’est une guerre qui n’existe pas médiatiquement ?
L’absence d’images est décisive dans la conduite d’un conflit. Une guerre sans image, c’est une guerre sur laquelle on n’a pas un point de vue juste, objectif. C’est une guerre sur laquelle va se déployer la parole d’un camp ou de l’autre avec énormément de fake news, et où il est très facile d’orchestrer une propagande.
L’absence d’images, la difficulté à couvrir ce conflit font qu’il existe moins médiatiquement. Par ailleurs, on sait que la disponibilité des personnes est limitée pour s’ouvrir à un conflit. Et il y a des conflits qui écrasent tout, comme c’est le cas avec l’Ukraine, c’est à dire qui occupent la quasi-totalité de l’espace médiatique.
Que retenez-vous de vos reportages au Tigré ?
L’horreur du conflit et sa nature profonde. Dans ce conflit, il y a un enjeu de transition politique, de changement de pouvoir. Le gouvernement actuel a mis fin à trente ans de domination de la vie politique et économique par les Tigréens. Dans les prémices de la guerre, il ne faut pas oublier l’éviction de tous les grands acteurs économiques tigréens d’Addis Abeba : ils ont dû rapatrier leurs biens et leur fortune au Tigré. À ce moment-là, la transition était plus ou moins pacifique. Elle est entrée dans une phase d’extrême violence à partir de 2020, lorsque le gouvernement a décidé d’envahir le Tigré.
Mais il y a un autre enjeu très fort dans ce conflit, dont on parle peu, c’est un enjeu lié à la terre. Pour moi, c’est un enjeu clé du conflit. Par exemple, le gouvernement éthiopien a promis aux milices paysannes amharas qui se battraient de récupérer les terres les plus fertiles.
Le pays voisin, l’Érythrée, joue un rôle déterminant dans ce conflit.
C’est l’acteur extranational le plus investi. Le Premier ministre éthiopien a eu le prix Nobel de la paix en 2019, un an après son arrivée au pouvoir, pour avoir fait la paix avec l’Érythrée. Finalement, cette paix se concrétise dans la guerre. Certains disent même que la guerre au Tigré a germé dans la paix signée avec l’Érythrée.
Aujourd’hui, il y a une alliance d’intérêt pour se débarrasser de l’ancien régime et de l’influence tigréenne dans la région.
Le 2 novembre 2022, un accord de paix a été signé. Comment accueillez-vous cette nouvelle ?
Avec joie – c’est une lueur d’espoir – et prudence. Un accord de paix avait déjà été signé en 2021 et il a été cassé. Aujourd’hui, la trêve se fait dans un contexte de guerre où les Tigréens ont perdu beaucoup de territoires. Ils sont contraints et forcés, en quelque sorte.
Et dans les conséquences potentielles, je pense à une possible réactivation de la route des migrations vers l’Arabie saoudite. Parmi les personnes que j’ai vues au Tigré, de jeunes ingénieurs m’ont dit qu’ils voulaient partir pour devenir ouvriers en Arabie saoudite. « Je vais faire la route moi aussi » disaient-ils. Cette route dangereuse qu’on avait documentée deux-trois ans auparavant, elle est à nouveau très active.
“Les restrictions de communication et d’accès imposées par le gouvernement sont un énorme problème” renchérit Donatella Rovera, chercheuse chez Amnesty International depuis plus de vingt ans, spécialisée dans les situations de crise et de conflits. "Depuis le début du conflit, nous n’avons pas pu y aller. Ni nous, ni les autres organisations de défense des droits humains, ni les mécanismes internationaux. Et nous sommes confrontés non seulement à l’impossibilité d’y aller, mais aussi au black-out : pas de téléphone, pas d’Internet. Très peu de matériel (images, vidéos) sort du pays, et il est extrêmement compliqué de joindre les gens."
Enquêter malgré tout
Comment faire alors, pour enquêter dans ces conditions ? Difficile de se rendre en Érythrée, pays voisin mais qui fait partie des belligérants du conflit. Reste le Soudan où se trouvent des camps, à la frontière avec la région du Tigré, et où l'ont peut recueillir les témoignages de réfugiés qui ont fui le conflit. Mais là aussi, les conditions d'accès au pays se sont durcies ces derniers temps.
Restent des connexions satellitaires grâce auxquelles il est possible d’interviewer à distance des victimes et des témoins dans la zone de conflit. Un véritable exercice logistique : “Il faut trouver un relais sur place qui informe la personne qu’on souhaite lui parler et qui puisse la conduire ensuite dans un endroit où il y a une connexion satellitaire” explique Donatella. Et puis, enfin, il y a les images satellitaires qui permettent d’établir ou de vérifier certaines informations.
"Avec la signature de l'accord de paix du 2 novembre dernier, on espère que cela va faciliter les choses. Mais je garde en tête que le précédent accord de paix signé en 2021 n'avait donné lieu à aucune ouverture pour les enquêteurs sur les droits humains."
© Eduardo Soteras / AFP via Getty Images
Un conflit dévastateur pour les droits humains
Depuis le début du conflit armé, nous avons ainsi réussi à publier plusieurs rapports. Ils mettent à jour des massacres de civils, de nombreuses violences sexuelles, la destruction d’installations civiles, le pillage et la destruction de biens à grande échelle.
Trois faits essentiels à retenir 👇
Toute les formes de violences sexuelles peuvent être qualifiées d'arme de guerre dès lors qu’elles sont considérées comme un outil stratégique utilisé pour détruire des individus et des communautés.
L’objectif ? Infliger un préjudice physique et psychologique durable aux victimes, en les terrorisant et en les humiliant, et persécuter le groupe ethnique auquel elles appartiennent.
Deux rapports clés faisant la lumière sur l'ampleur des crimes de guerre commis par les deux parties au conflit.
Le massacre par les troupes érythréennes de centaines de civils à Aksoum
En novembre 2020, des soldats érythréens ont tué de manière systématique des centaines de civils non armés dans la ville d’Aksoum, au nord de l'Éthiopie. Ils ont ouvert le feu dans les rues et fouillé toutes les maisons. Les témoignages recueillis évoquent des actes constitutifs de crime contre l’humanité.
Exécutions sommaires, viols et pillages par les forces tigréennes dans la région Amhara
Dans la ville de Kobo, une ville située au nord-est de la région Amhara en Éthiopie, les habitants racontent avec douleur les exécutions sommaires de leurs proches et de leurs voisins, tués d’une balle dans la tête, la poitrine ou le dos, les mains parfois liées, par des combattants tigréens. C'était en septembre 2021, alors qu'ils menaient une contre-offensive depuis le début de l'été.
Selon l’ONU, il s’agit d’une pratique contraire au droit international qui consiste à rendre une zone ethniquement homogène en utilisant la force ou l’intimidation pour faire disparaître de la zone en question des personnes appartenant à des groupes déterminés.
Où en est-on aujourd'hui ?
Au Tigré, environ 500 000 personnes dépendaient déjà de l'aide alimentaire avant le début du conflit, et le blocus a aggravé une situation humanitaire déjà précaire. Aujourd’hui, des milliers de personnes sont confrontées à la famine. 574 000 personnes ont été déplacées à l'intérieur des régions Afar, Amhara et Tigré depuis la reprise des hostilités le 24 août 2022. On estime que 29,7 millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire, dont 12,5 millions d’enfants.
En octobre 2022, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a décidé de prolonger le mandat de la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie qui est chargée de suivre la situation et de recueillir des informations sur les crimes de droit international et les violations des droits humains perpétrés dans le pays. Aux vues des atrocités qui continuent d’être commises dans la région, il est impératif que ce mandat soit renouvelé en septembre 2023.
Les espoirs qu’avaient fait naître, en mars 2022, l’annonce d’une trêve humanitaire permettant d’acheminer de l’aide vers le Tigré ont été anéantis par la reprise du conflit qui fait à nouveau rage depuis le 25 août 2022. En savoir plus. Mais après un regain de violences, le 24 octobre, de nouveaux pourparlers ont été entamés en Afrique du Sud pour tenter d’en finir avec cette tragédie.
Malgré la signature d’un accord de paix le 2 novembre 2022, notre nouvelle enquête parue en septembre 2023 révèle que des soldats érythréens ont continué de commettre des crimes de guerre et de possibles crimes contre l’humanité. En première ligne, la population civile dans le Tigré, a notamment été victime de viols et d’autres formes de violences sexuelles et d’exécutions extrajudiciaires.
Nos demandes
La France en tant que membre de l’Union européenne et du Conseil de sécurité des Nations unies doit pleinement jouer son rôle afin de veiller à ce que la justice et la responsabilité des violations des droits humains restent au cœur de l’agenda international et des préoccupations éthiopiennes face à leurs obligations.
La France doit se mobiliser :
afin de garantir l'allocation d'un financement adéquat et un soutien politique total à la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie du Conseil des droits de l’Homme ;
pour que l'Assemblée générale des Nations unies apporte son plein soutien au mandat confié à cette dernière, notamment en lui fournissant les ressources et le personnel nécessaires ;
pour que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme et la Commission éthiopienne des droits de l'homme soutiennent et coopèrent pleinement avec la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie et la Commission d'enquête de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples de l’Union africaine en facilitant l'accès aux informations et aux preuves en leur possession.
Enfin, nous demandons à la France d'agir dans le cadre de son troisième plan national d’action 2021-2025 de mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies « Femmes, paix et sécurité » afin d’apporter assistance aux femmes victimes de violences sexuelles.
Quant à l’Éthiopie, elle doit mettre en place des couloirs humanitaires afin que les milliers de personnes confrontées à la famine et aux urgences médicales puissent obtenir l'aide dont elles ont besoin.