Les mesures prises par le gouvernement français face à la pandémie de Covid-19 ont soulevé de nombreuses préoccupations en matière de droits humains. Des mesures prises pour des raisons a priori sanitaires, mais qui ont aussi entrainé un usage excessif de la force par la police, menacé le droit à la liberté de réunion pacifique ainsi que les droits des migrants et demandeurs d'asile.
À l’heure du bilan sur la situation des droits humains dans le monde en 2020, examinons ici le cas de la France. Rappelons que ce pays est analysé à travers le même prisme que les autres, celui du respect du droit international des droits humains.
Des défenseurs des droits humains ont été la cible de harcèlement et ont fait l’objet de poursuites pénales injustifiées ou basées sur des motifs vagues. À la suite de l’assassinat de Samuel Paty, le gouvernement a notamment pris, au nom de la lutte contre le terrorisme, des mesures portant atteinte aux droits humains.
En outre, des milliers de personnes étaient toujours poursuivies pour outrage à agent dépositaire de l’autorité publique, une infraction définie en termes vagues et qui est donc contraire au droit international. Des propos racistes tenus par des membres des forces de l’ordre ont été également signalés.
Voici donc un retour non-exhaustif sur l’état des droits humains en France.
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Recours excessifs à la force et impunité
Tout au long de l’année, des cas de recours excessif à la force par les forces de l’ordre ont été signalés. La mort de Cédric Chouviat en est un tragique exemple. Ce livreur de 42 ans est décédé en janvier 2020 après un contrôle routier au cours duquel les policiers lui ont fait subir une clé d’étranglement. À la suite de ce décès, le ministre de l’Intérieur a annoncé l’interdiction de l’utilisation de la technique de l’étranglement, juste avant de revenir sur sa décision.
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L’application des mesures prises face à la pandémie de Covid-19 a révélé un peu plus au grand jour un usage illégal récurrent de la force par la police française, en particulier dans les zones urbaines défavorisées et peuplées majoritairement de personnes issues de minorités ethniques. Nous avons recueilli des informations sur ce type de pratique en mars et avril 2020 en France métropolitaine. Dans certains de ces cas, les fonctionnaires de police ont également tenu des propos racistes ou homophobes.
En outre, en septembre 2020, le ministère de l’Intérieur rendait public un “nouveau schéma national du maintien de l’ordre”. Loin de privilégier le dialogue et les méthodes de désescalade, cette stratégie restait axée sur le recours à la force, y compris l’utilisation d’armes et de techniques dangereuses.
Il n’existe toujours pas de mécanisme indépendant chargé d’enquêter sur les cas d'allégations de manquements de la part des forces de l'ordre" . Très peu de membres des forces de l’ordre ont fait l’objet de poursuites judiciaires à la suite des allégations d’usage excessif de la force pendant les manifestations de 2018 et 2019. En juin 2020, dans le cadre de l’une de ces affaires, un policier qui avait tiré une balle en caoutchouc dans le visage d’une manifestante en 2018 a été condamné à une simple amende.
En outre, l’Assemblée nationale adoptait en première lecture en novembre 2020 une proposition de loi rendant passible de sanctions pénales la diffusion d’images de membres des forces de l’ordre considérées comme portant atteinte à leur « intégrité physique ou psychique », ce qui entraverait la possibilité de rendre publiques des images de violences policières.
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Des mesures abusives prises par l’État
En juin 2020, le gouvernement a déposé un projet de loi visant à allonger les mesures de contrôle administratif figurant dans la Loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (loi SILT), qui devaient expirer à la fin de l’année. Le Parlement a approuvé en décembre la prolongation des mesures jusqu’au 31 juillet 2021.
En octobre et en novembre 2020, à la suite de l’assassinat de Samuel Paty, un enseignant qui avait montré à ses élèves des caricatures du prophète Mahomet, le gouvernement a adopté une série de mesures de lutte contre le terrorisme qui soulevaient un certain nombre de préoccupations en matière de droits humains.
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Il a en particulier dissous plusieurs organisations, une mesure extrême qui ne peut être justifiée que dans des circonstances très limitées, par exemple si l'organisation en question constitue un danger manifeste et imminent pour la sécurité nationale ou l'ordre public. Il a également expulsé au moins 66 personnes de nationalité étrangère sans procéder à une évaluation en bonne et due forme des véritables risques de torture auxquels elles seraient exposées dans leur pays d’origine.
Le droit de manifester entravé
Dans un objectif de protection de la santé publique, le gouvernement a imposé le 11 mai 2020 une interdiction générale de manifester. Le Conseil d’État a suspendu cette interdiction le 13 juin. Néanmoins, des centaines de manifestants ont reçu des amendes pour avoir participé à des rassemblements sur la voie publique entre le 11 mai et fin août.
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En outre, des manifestants ont, cette année encore, été arrêtés et poursuivis pour des infractions définies en des termes vagues et ouvrant donc la voie à l’arbitraire, comme l’outrage à agent, le non-respect des obligations de déclaration préalable ou la participation à un groupement en vue de la préparation de violences.
Défenseurs des droits humains : avancées et régressions
En juin 2020, les autorités ont enfin décidé d’engager des poursuites contre trois policiers, dont l’un avait agressé Tom Ciotkowski. Il s’agit d’un défenseur britannique des droits humains qui recueillait des informations sur les violences policières commises contre des personnes réfugiées à Calais en 2018.
Par ailleurs, les tribunaux ont relaxé Pierre-Alain Mannoni, Cédric Herrou et Martine Landry, trois défenseurs des droits humains qui étaient poursuivis pour avoir aidé ou hébergé des demandeurs et demandeuses d’asile.
Dans le même temps, pendant le confinement, les défenseurs des droits humains qui apportaient une aide humanitaire aux personnes réfugiées et migrantes à Calais et à Grande-Synthe ont quant à eux continué de subir des actes de harcèlement et d’intimidation. À l’instigation du ministre de l’Intérieur, le préfet du Pas-de-Calais a ainsi pris, en septembre 2020, un arrêté interdisant la distribution de nourriture et de boissons aux migrants dans une grande partie de la ville de Calais.
Personnes migrantes et réfugiées : plus fragiles que jamais
La pandémie a fait surgir pour les personnes migrantes, en particulier celles qui vivaient dans des campements de fortune à Paris et dans le nord de la France, de nouveaux obstacles à l’accès à leurs droits économiques et sociaux. Le gouvernement a également suspendu le traitement de toutes les demandes d’asile pendant le confinement.
À Paris et dans le nord de la France, les personnes migrantes et réfugiées qui vivaient dans des campements de fortune ont, cette année encore, fait l’objet d’évacuations forcées récurrentes, y compris pendant le confinement, sans qu'une autre solution d'hébergement ne leur soit proposée. Les mesures nécessaires pour un accès aux soins effectif et systématique n'ont pas non plus été mises en œuvre. À Calais, les forces de l’ordre ont régulièrement soumis les personnes migrantes et réfugiées à des actes de harcèlement et à un usage excessif de la force.
Sur la frontière franco-italienne, la police aux frontières a continué de refouler les personnes migrantes et réfugiées vers l’Italie. En outre, des migrants ont continué d’être placés en rétention administrative, au mépris de la protection de leur santé pendant la pandémie. Les mineurs non accompagnés continuaient de se heurter à de nombreux obstacles pour bénéficier d’une prise en charge et risquaient toujours d’être renvoyés vers l’Italie.
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Des victoires malgré tout. Martine Landry, militante d’Amnesty International France injustement accusée d’avoir facilité, en 2017, le passage à la frontière franco-italienne de deux jeunes migrants, a obtenu une relaxe définitive. Par ailleurs, le Conseil d’État a conclu en juin 2020 que le renvoi vers l’Italie d’une femme et de son enfant sans que leur demande d’asile ait été enregistrée et examinée constituait une violation du droit de demander et de recevoir l’asile.
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Les ventes illégales d’armes se poursuivent
Le gouvernement français a continué de vendre des armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis malgré la forte probabilité qu’elles soient utilisées pour commettre des violations des droits humains en étant utilisées contre les populations civiles dans le cadre du conflit au Yémen.
La France a manqué à son obligation de fournir des informations détaillées, complètes et à jour sur les transferts d’armes autorisés par le Premier ministre. Le 8 août 2020, les forces de sécurité libanaises ont utilisé du matériel de maintien de l’ordre français lors de leur intervention contre des manifestations, au cours desquelles plus de 230 personnes ont été blessées.
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Non-respect de la loi sur le devoir de vigilance
De nombreuses entreprises ne respectaient toujours pas la Loi de 2017 relative au devoir de vigilance, qui imposait aux multinationales françaises d’établir un plan afin d’identifier et de prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement
Comprendre : Qu'est-ce que le devoir de vigilance ?
Sur les quelque 200 groupes concernés, 72 seulement ont publié un plan établissant les modalités prévues pour garantir le respect des droits humains dans leurs chaînes de valeur. À la fin de l’année 2020, les autorités n’avaient toujours pas proposé de mesures en vue de la mise en place d’un système de contrôle du respect de cette loi.
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