Depuis le début des manifestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini, les autorités iraniennes déploient leur stratégie répressive pour les étouffer et mater toute remise en cause de leur pouvoir.
1. Tuer
Nous avons eu accès à des documents officiels attestant que la plus haute instance militaire iranienne a donné pour instruction aux commandants des forces armées de toutes les provinces de « confronter sévèrement » les manifestants descendus dans la rue. En d’autres termes, les autorités ont sciemment décidé de blesser ou de tuer. Des vidéos que nous avons analysées montrent les autorités tirer à balles réelles sur les manifestants, et nos enquêtes révèlent également des preuves de l'usage généralisé de la force meurtrière et des armes à feu par les forces de sécurité iraniennes.
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Le 30 septembre 2022 est le jour le plus meurtrier que nous ayons documenté depuis le début des protestations. Rien qu'à Zahedan, à l’est du pays, où une manifestation a eu lieu après la prière du vendredi, au moins 66 personnes, dont des enfants, ont été tuées par les forces de sécurité iraniennes. Parfois habillées en civil, elles ont ouvert le feu sur les manifestantes et les manifestants à partir des toits des maisons. Un « vendredi sanglant ». Depuis le début des protestations, on compte plus de 300 morts dans le pays, dont 41 enfants. Mais le bilan humain pourrait être bien plus élevé.
Reportage vidéo : Retour sur deux mois de manifestations en Iran
Les forces de sécurité en civil ouvrent le feu sur les manifestant·e·s depuis les toits avoisinants, à Zahedan, Iran.
2. Condamner à mort les manifestants
Méthode 2 : condamner à mort les manifestants à la suite de procès iniques, pour instiller la peur au sein du mouvement de contestation en Iran
Pour étouffer les manifestations, les autorités intensifient la répression, en procédant à des simulacres de procès accélérés et en condamnant à mort des personnes ayant participé aux manifestations.
Les exécutions ont commencé : Mohsen Shekari, 23 ans, a été exécuté le 8 décembre 2022. Une nouvelle glaçante qui révèle la cruauté des autorités iraniennes. Leur objectif est d’instiller la peur pour étouffer le mouvement.
Portrait de Mohsen Shekari, 23 ans. Il est le premier manifestant à avoir été exécuté par les autorités iraniennes.
D’autres risquent le même sort et attendent encore leur « procès ». Nous craignons que d'autres manifestants condamnés à la peine capitale soient exécutés.
Nous appelons tous les gouvernements ayant une ambassade en Iran à envoyer des observateurs assister à l'ensemble des procès en cours dans lesquels les accusés risquent d’être condamnés à mort. Il a été annoncé que ces procès seraient publics.
3. Violer et infliger des violences sexuelles
Méthode 3 : violer et infliger des violences sexuelles pour torturer, intimider et punir les manifestant·es
Les forces de sécurité iraniennes ont commis des viols, des viols collectifs et d'autres violences sexuelles à l'encontre de femmes, d'hommes et d'enfants âgés d'à peine 12 ans qui participaient au soulèvement « Femme, Vie, Liberté ». L'objectif : les briser de l'intérieur et les faire taire. Dans un rapport publié en décembre 2023, nous avons recueilli les témoignages de 45 personnes, parmi lesquelles 26 hommes, 12 femmes et sept mineur·es. Les témoignages de notre rapport sont difficiles à lire, ils décrivent des viols, d’autres violences sexuelles et les traumatismes psychologiques.
Lire aussi : Notre rapport - En Iran, le viol comme arme de répression du régime
Notre rapport pointe aussi que la justice iranienne a étouffé plusieurs plaintes de personnes victimes de viol. Et les procureurs et les juges ont utilisé les « aveux » obtenus sous la torture pour condamner les victimes à la prison ou à la peine de mort.
4. Restreindre l'accès à Internet
Les autorités iraniennes ont sévèrement restreint l’accès à Internet et aux réseaux mobiles pour tenter de contenir les rassemblements des manifestants et pour poursuivre leur répression à l’abri des regards. Il s’agit des restrictions les plus draconiennes depuis 2019. Instagram, le réseau social le plus utilisé en Iran, est drastiquement limité, ainsi que Whatsapp, Linkedin et Skype. Quant à Youtube, Twitter, Telegram, TikTok et Facebook, ils étaient déjà interdits depuis plusieurs années en Iran.
Les autorités iraniennes ont désormais couramment recours aux coupures d’Internet pour contrôler l’'information. Elles empêchent ainsi le partage d’informations entre les citoyens et la documentation par les organisations internationales et locales des violations des droits humains.
Avec ces restrictions d'accès à Internet, aux réseaux sociaux et aux réseaux mobiles, il est très difficile d'obtenir des images d'Iran. La répression se passe à huis clos. Voici quelques images, captures de vidéos, auxquelles nous avons eu accès. 👇
Capture d’images vidéos des manifestations en Iran
5. Attaquer les femmes
Dans ce mouvement de protestation, les femmes Iraniennes sont en première ligne. Les forces de sécurité ont violemment attaqué et agressé sexuellement plusieurs manifestantes, avec notamment des cas où des femmes se sont fait agripper les seins ou tirer violemment les cheveux après avoir enlevé leur foulard.
Capture d’images vidéo montrant les forces de sécurité iraniennes réprimer violemment une manifestante.
Face à cette répression sans nom, elles restent debout et continuent de protester courageusement contre la brutalité du régime. Certaines enlèvent leur voile dans la rue et vont même jusqu’à le brûler. Les femmes qui font ce geste symbolique s’exposent à des peines de prison. Rappelons qu’en Iran, la loi discriminatoire sur le port obligatoire du voile est en vigueur depuis la révolution islamique de 1979.
Il y a deux nuits, plusieurs de mes amies ont été frappées à coups de matraque. L'une d'entre elles, qui a des bleus sur l'avant-bras et les jambes, m'a dit que les forces de sécurité les ont coincées dans une allée et les ont frappées à coups de matraque. Un agent a dit : " Tirons-leur aussi une balle dans la jambe " et un autre a répondu : " Non, allons-y ". Ils sont d’une telle brutalité.
Les forces de sécurité passent à tabac des manifestants et des passants. Elles ont commis d’autres cas de tortures et autres mauvais traitements qui sont devenues des pratiques généralisées.
6. Étouffer les mouvements étudiants
Le mouvement de protestation déclenché depuis la mort de Mahsa Amini est essentiellement porté par la jeunesse iranienne. « Femme, vie, liberté », « les étudiants préfèrent la mort à l'humiliation », scandaient les étudiants rassemblés dans l’une des universités les plus prestigieuses de Téhéran.
La police anti-émeute a violemment réprimé le rassemblement en tirant des billes d’acier et des gaz lacrymogènes contre les étudiants. De nombreuses vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux montrant les forces de sécurité s'attaquer au campus universitaire. Des images de chaos et de violence qui montrent la brutalité des méthodes employées par les forces de sécurité iraniennes.
7. Arrêter à tout va
Depuis le début des manifestations, les autorités ont interpellé arbitrairement entre 15 000 et 16 000 personnes, d’après un fichier audio obtenu par la chaîne BBC Persian, notamment des manifestants, des journalistes, des défenseurs des droits humains, des dissidents, des étudiants et des jeunes lycéens.
Parmi eux, le chanteur pop iranien Shervin Hajipour. Il est devenu une cible à faire taire pour les autorités car c’est lui qui a composé la chanson « Baraye » (« Pour » en persan), dans laquelle il rassemble les revendications des manifestants depuis la mort de Mahsa Amini. Vue plus de 40 millions de fois en 48 heures sur les réseaux sociaux, sa chanson s’est transformée en l’hymne des protestations. Elle est aujourd’hui chantée dans les rassemblements aux quatre coins du monde.
8. Diaboliser les manifestantes et manifestants
Dans le but de se décharger de toute responsabilité, les autorités iraniennes ont diffusé de fausses informations, via des rapports ou des vidéos de propagande, afin d'incriminer des manifestants pacifiques tués lors des rassemblements. Elles les ont qualifié d’ « individus dangereux » et « violents » et affirmé que les manifestants avaient été tués par des « émeutiers ».
Les autorités ont également intimidé et harcelé les familles des victimes pour qu'elles se taisent. Parmi les méthodes employées, les autorités promettent une indemnité financière si les familles enregistrent des vidéos attribuant la responsabilité de la mort de leurs proches à des « émeutiers » œuvrant pour des « ennemis » de la République islamique d'Iran.
Face à la répression du régime, la contestation des Iraniens ne s’essouffle pas. Nous sommes à leurs côtés et leur apportons tout notre soutien : « Femme, Vie, Liberté »
UN MILLION DE PERSONNES EN SOUTIEN À L’IRAN
Cela fait deux mois que les Iraniennes et les Iraniens qui manifestent subissent une répression sanglante de la part des autorités. Aux premiers jours de la répression des manifestations, nous avons lancé une pétition adressée aux États membres du Conseil des droits de l'homme de l’ONU. Notre demande : l’ouverture d’un mécanisme indépendant d’enquête sur les crimes commis en Iran. Un million de personnes l’ont signée ! Une mobilisation de masse qui a permis une avancée significative : le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a tenu une session extraordinaire, le 24 novembre 2022, sur la détérioration des droits humains en Iran. Vous pouvez la suivre ici. Un temps important qui va ouvrir la voie à la demande d’un mécanisme indépendant d’enquête.
Iraniennes, Iraniens, nous sommes et resterons à vos côtés.
MANIFESTEZ-VOUS
Partout dans le monde, le droit de manifester est menacé. Défendons-le.