Après six ans de procédure judiciaire, le verdict est tombé ce vendredi 1er novembre. Le tribunal supérieur de justice de Rio de Janeiro a condamné deux anciens policiers pour l’assassinat de Marielle Franco et de son chauffeur Anderson Gomes, en 2018. Cette conseillère municipale issue des favelas, engagée dans la défense des plus vulnérables, s’était notamment dressée contre les violences policières.
Ces condamnations marquent un tournant décisif dans une affaire hautement politique, qui a ébranlé le Brésil et suscité une vague d’indignation à l’échelle mondiale. Pourtant, pour les proches de Marielle Franco et les militants, la lutte est loin d’être achevée. Trois hauts représentants de l’État, soupçonnés d’avoir commandité cet assassinat, échappent encore aux poursuites.
Depuis six ans, l’enquête a été freinée par d'innombrables obstacles et tentatives d'obstruction, souvent orchestrées par des figures de l’État. Le chemin vers la vérité et la justice reste long, mais l’espoir demeure de voir enfin toute la lumière faite sur ce crime minutieusement planifié.
Notre mobilisation a été mondiale
Depuis le 14 mars 2018, jour du crime, nous sommes aux côtés des familles des victimes pour qu’elles obtiennent justice. Nous nous sommes mobilisées massivement. Plus d’un million de personnes ont signé notre pétition et agi à nos côtés pour faire pression sur les autorités de leurs pays via notre pétition.
Grâce à votre mobilisation, nous avons attiré l’attention du monde entier sur cette affaire pour qu’elle ne reste pas impunie.
Qui est Marielle Franco ?
Élevée dans la favela de Maré, ensemble de 16 bidonvilles au Nord de Rio, Marielle Franco s’engage très tôt dans la défense des droits humains après la mort d’une amie victime d’une balle perdue dans un affrontement entre des trafiquants et des policiers. Rapidement, elle se fait connaître pour son activisme en faveur des femmes noires, des LGBTI et des jeunes, et dénonce les violences policières.
« Ils croyaient nous enterrer mais nous étions des graines. » Marielle Franco.
Lorsque Marielle Franco est assassinée, le 14 mars 2018, la consternation et la colère dépassent largement la ville de Rio de Janeiro et le Parti socialisme et liberté (PSOL), formation politique qu'elle représentait au conseil municipal.
Quelques jours avant son assassinat, la jeune femme de 38 ans écrivait avec colère : « Cessez de maltraiter la population ! Cessez de tuer nos jeunes »
Quelle est la responsabilité de l’État dans cette affaire ?
Pour le moment aucun représentant de l’État n’a été condamné, mais le 24 mars 2024, trois ont été placés en détention provisoire. En poste au moment des faits, le chef de la police civile de Rio de Janeiro (Rivaldo Barbosa), un membre du Congrès fédéral (Chiquinho Brazão) et son frère Domingos Brazão, conseiller de la Cour des comptes de l’État de Rio de Janeiro sont suspectés d’être les commanditaires présumés.
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D’après les informations recueillies par les autorités, ces meurtres pourraient être liés aux intérêts de groupes paramilitaires en plein essor, tels que les milices, à Rio.
En ce sens, il importe de rappeler que l’émergence et l’expansion des groupes paramilitaires sont la conséquence, entre autres facteurs, de l’omission, de la tolérance et de l’assentiment des autorités de l’État, ainsi que de l’impunité et de l’incapacité des autorités étatiques à répondre avec force aux déviations au sein de leurs structures.
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La responsabilité de l’État dans ce phénomène d’essor des groupes paramilitaires a fait l’objet de décisions emblématiques de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) qui, constatant l’existence de divers cas impliquant des liens entre groupes paramilitaires et agents de la sécurité publique, a établi les obligations internationales élémentaires suivantes incombant à l’État :
➡️ l’obligation de prévenir les violations des droits ;
➡️ l’obligation d’enquêter avec diligence ;
➡️ l’obligation d’amener les responsables présumés de violations à rendre des comptes ;
➡️ l’obligation d’accorder des réparations aux victimes.
Les autorités brésiliennes n’ont rempli aucune de ces obligations dans l’affaire concernant les meurtres de Marielle et son chauffeur Anderson Gomes.
Nos demandes aux autorités brésiliennes
Il est du devoir de l’État brésilien d’assurer des réparations et de tout faire pour éviter que de tels actes ne se reproduisent, en :
➡️ adoptant des mécanismes externes efficaces pour l’obligation de rendre des comptes de la police ;
➡️ prévenant et combattant la corruption ;
➡️ participant à des mécanismes d’experts internationaux indépendants ;
➡️ reformulant et réellement mettant en œuvre des programmes de protection des défenseur·e·s des droits humains, y compris les responsables de la communication et les écologistes.
Les autorités brésiliennes doivent veiller à ce que tous les responsables présumés ayant planifié et perpétré ce crime, ainsi que tous ceux qui opèrent des déviations ou font obstruction lors des investigations, soient traduits en justice dans le cadre de procès équitables conformes aux normes internationales.