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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

Rassemblement à Mexico à l'occasion du sixième anniversaire de la disparition des 43 étudiants d'Ayotzinapa, le 26 septembre 2020 / © Edgard Garrido - REUTERS
Liberté d'expression

Projet Pegasus : au Mexique, des milliers de personnes ciblées par le logiciel espion

Au Mexique, 15 000 personnes auraient été désignées comme cibles potentielles de Pegasus, dont une majorité de journalistes et de défenseurs des droits humains. C'est ce que révèle le consortium de journalistes du Projet Pegasus. 

Les chiffres sont alarmants. Sur la liste des 50 000 téléphones sélectionnés par les clients de NSO Group dans le monde, 15 000 cibles potentielles du logiciel espion se trouveraient au Mexique : un pays où la liberté d’expression des journalistes, des défenseurs des droits humains et des membres de la société civile est menacée.

Selon les chiffres officiels publiés en novembre 2020, au moins 19 journalistes ont été tués depuis le début de l’année. 

Lire aussi : la situation des droits humains au Mexique en 2020

Le Mexique premier client de NSO Group  

Le Projet Pegasus : ce projet est le fruit d'un travail entre un consortium de journalistes piloté par Forbidden Stories et nos équipes d'Amnesty Tech. 17 médias internationaux ont pris part au projet. Les journalistes ont eu accès à une liste de 50 000 numéros de téléphones, cibles potentielles du logiciel espion Pegasus. Nos équipes ont analysé certains de ces téléphones ciblés et ont pu confirmer qu'ils avaient bien été infiltrés par Pegasus.

Selon les médias partenaires de l’enquête, le Mexique est client de NSO Group depuis 2011, ce qui ferait de lui le premier pays à avoir conclu un accord commercial avec la société israélienne pour l'utilisation de son logiciel de pointe Pegasus.

Ils révèlent également que le Mexique aurait dépensé des centaines de millions de dollars dans les équipements de surveillance alors que dans le pays, la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté.  

L'utilisation du logiciel de pointe israélien aurait été effective au Mexique entre 2014 et 2017 sous la présidence de l'ancien chef d'État Enrique Pena Nieto (à la tête du pays de 2012 à 2018). Pendant cette période, Pegasus aurait été utilisé de façon abusive pour surveiller des membres de la société civile mexicaines : journalistes, militants, familles de disparus, défenseurs des droits humains, avocats ou personnalités politiques.

L'exemple du Mexique fait voler en éclat les arguments de NSO Group selon lesquels son logiciel ne serait utilisé que pour la lutte contre le crime organisé ou le terrorisme. 

Lire aussi : Comment réagir après les révélations de l'affaire Pegasus ?

Un journaliste assassiné  

Au moins 25 journalistes mexicains ont été désignés comme cibles potentielles de Pegasus en l’espace de deux ans. En plus des journalistes, s'ajouteraient des défenseurs des droits humains, des politiques, des militants. 

Cecilio Pineda Brito. Son nom est tristement devenu l'un des symboles du danger auquel sont confrontés les journalistes au Mexique. Ce journaliste indépendant mexicain était régulièrement la cible de menaces à cause des enquêtes qu'il menait, jugées trop critiques par les autorités. En mars 2017, Cecilio Pineda Brito a été tué, après avoir été accusé par la police d'être associé à un cartel local.

Selon l'enquête des médias, son numéro de téléphone avait été inscrit dans les registres du programme de surveillance Pegasus, quelques semaines avant son assassinat. Ce journaliste était donc identifié comme une potentielle cible à surveiller.

Nos équipes du laboratoire du Security Lab n'ont pas pu mener d'analyses détaillées permettant de confirmer si son téléphone avait été infecté mais son numéro figurait sur la liste des 15 000 numéros répertoriés sur le programme de Pegasus.

Cecilio Pineda Brito n'est pas un cas isolé au Mexique, pays très dangereux pour les journalistes. Selon les chiffres officiels publiés en novembre 2020, au moins 19 journalistes ont été tués en 2020. 

Les familles de 43 disparus espionnées 

Le 26 décembre 2014, en pleine nuit, 43 jeunes hommes âgés de 18 à 21 ans, disparaissaient au Mexique. Ils étaient étudiants à l'école normale d'Ayotzinapa, l'une des régions les plus pauvres du pays. En amont de leur participation à une manifestation pour commémorer le massacre d'étudiants en octobre 1968, ils ont disparu suite à leur arrestation par la police. À ce jour, personne ne sait ce qui leur est arrivé.  

Avancée dans l'affaire d'Avotzniapa : cette tragédie qui a suscité de vives réactions à l'international n'a toujours pas été élucidée. Depuis le début de l'affaire, nous avons mené campagne pour demander que vérité et justice soient faites sur cette sombre affaire des 43 étudiants disparus. Une avancée cependant : après des années d’impasse, l'administration du nouveau président Andres Manuel Lopez Obrador a créé en 2018 une commission fédérale spéciale consacrée à ces 43 étudiants d’Ayotzinapa. Les travaux de cette commission avancent lentement. S’ils n’ont donné que très peu de résultats jusqu’à présent, il s'agit déjà d'un premier pas vers un accès à la justice. 

Plus de six ans après ce drame, les familles des victimes combattent toujours pour la justice et la vérité et pour obtenir des réparations. Les révélations du consortium de journalistes du Projet Pegasus sont importantes : elles dévoilent que les autorités mexicaines auraient inscrit les numéros de familles des victimes dans la liste des personnes potentiellement surveillées par Pegasus.  

Dans cette liste figure Cristina Bautista, la mère de l’un des 43 étudiants disparus. Son fils s'appelait Benjamin. Il avait 19 ans. Elle poursuit sa quête de justice sans relâche. Elle ne présente aucune menace pour les autorités et pourtant, son nom figure dans la liste des personnes ciblées pour une potentielle surveillance de Pegasus. D'autres proches de disparus ont été potentiellement visés par le logiciel espion ainsi que les avocats des familles.  

L’affaire des étudiants d’Ayotzinapa est tristement emblématique d’un phénomène beaucoup plus large au Mexique : 82 647 personnes ont été portées disparues au Mexique depuis 1964, dont 63 939, rien que ces 10 dernières années. 

Au Mexique où les défenseurs des droits humains continuent d’être la cible d’attaques et de manœuvres de harcèlement, les dernières révélations du consortium de journalistes du Projet Pegasus sont inquiétantes. Ces pratiques illégales d'espionnage et de harcèlement généralisé des militants et des journalistes doivent cesser. 

NSO Group, l’entreprise israélienne qui fabrique et commercialise Pegasus, doit bloquer l'accès de ses clients à son logiciel dès lors qu'il existe des preuves crédibles d’utilisation abusive Nous demandons également la mise en place d'un moratoire sur la vente et le transfert d'équipements de surveillance jusqu'à ce qu'un cadre réglementaire approprié en matière de droits humains soit mis en œuvre.  

Agir

SURVEILLANCE NUMÉRIQUE CIBLÉE : NON AU BIG BROTHER 2.0

Les attaques numériques contre les défenseurs des droits humains, journalistes et citoyens augmentent. Les révélations du Projet Pegasus en sont un exemple flagrant. Il est temps de mettre fin à cette surveillance illégale ciblée !