La répression est de plus en plus dure au Bélarus : opposants politiques, étudiants, syndicats, ONG, médias indépendants, tous en sont victimes. Mais aussi les sportifs : plusieurs athlètes sacrifient leur carrière pour exprimer leurs opinions critiques et dénoncer les dérives du régime.
Depuis plusieurs mois, le Bélarus est revenu sur les devants de la scène : le 23 mai 2021, les autorités ont détourné un avion civil à Minsk pour pouvoir arrêter le journaliste Raman Pratasevich. Cette arrestation a montré aux yeux du monde entier le niveau de répression qui s’abat sur le pays.
Comprendre la situation au Bélarus. Le président bélarusse Alexandre Loukachenko est au pouvoir depuis 1994. En août 2020, il a été réélu pour un sixième mandat. Les résultats de l’élection ont été largement contestés et considérés comme frauduleux par de nombreux observateurs électoraux indépendants. L’Union européenne n’a d’ailleurs pas reconnu ce scrutin. La Russie a exprimé son soutien au régime bélarusse auquel elle a apporté une aide financière. Pour protester contre la réélection de Loukachenko, d’importantes manifestations avaient gagné le pays et ont été violemment réprimées : arrestations, incarcérations, tortures. La répression actuelle au Bélarus n’avait jamais atteint un tel niveau depuis l’indépendance du pays.
Cette répression va au-delà du ciblage « classique » d’opposants politiques. Elle s’étend à toute la société civile. Nous nous sommes entretenus avec des athlètes bélarussiens. Considérés auparavant comme de véritables héros de la nation, des athlètes qui s’expriment se retrouvent aujourd’hui dans le viseur des autorités.
Au Bélarus, l’administration sportive est soumise au contrôle direct du gouvernement et le président Loukachenko attache une place particulière au milieu sportif. Joueur amateur passionné de hockey sur glace, Alexandre Loukachenko a personnellement dirigé le Comité olympique national jusqu’en décembre 2020.
Les athlètes qui s’expriment se retrouvent dans le collimateur des autorités et subissent des représailles.
Plus de 1000 athlètes tirent la sonnette d’alarme
Face à la répression grandissante des autorités, de nombreux athlètes dénoncent les dérives du régime. En août 2020, au moment de la réélection controversée de Loukachenko, plus de 1 000 athlètes ont signé une lettre ouverte appelant à de nouvelles élections. Ils demandaient également à ce que soit mis fin au recours à la torture ainsi qu’aux arrestations de manifestants pacifiques. Les représailles du gouvernement à leur encontre ont été immédiates.
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Autrefois véritable vitrine de la réussite du pays, le sport est devenu au Biélarus un champ de bataille et la cible de toutes sortes de représailles.
La répression bélarusse au cœur des JO
La répression implacable du régime bélarusse vient d’éclater au grand jour aux Jeux olympiques de Tokyo : le 2 août dernier, la sprinteuse Krystsina Tsimanouskaya devait participer aux séries du 200 mètres.
Son rêve a été brisé par les autorités de son pays : à la veille de la compétition, la sprinteuse a été conduite de force à l’aéroport de Tokyo pour avoir critiqué les instances sportives bélarusses.
L'athlète bélarusse Krystsina Tsimanouskaya porte un t-shirt « Je veux juste courir » lors d'une conférence de presse à son arrivée à Varsovie, en Pologne, après avoir échappé à un rapatriement au Bélarus, 5 août 2021 / © Alexei Pantsikov - TASS via Reuters.
Krystsina Tsimanouskaya a pu obtenir l’aide du Comité international olympique (CIO) et une protection de la police japonaise au moment où elle était à l’aéroport. Elle a affirmé avoir échappé à un rapatriement forcé au Bélarus. En rentrant dans son pays, elle craignait d’être arrêtée. L’athlète de 24 ans a mis un terme à sa participation aux JO. Elle a pu échapper à ce rapatriement forcé et a trouvé refuge en Pologne, qui lui a accordé un visa humanitaire.
Une médaillée olympique réfugiée en Lituanie
Des athlètes bélarusses sacrifient leur carrière pour dénoncer la situation des droits humains dans le pays.
La nageuse bélarusse Alyaksandra Herasimienia est l’une des fiertés de son pays. Trois fois médaillée olympique, elle a été championne du monde de natation en 2012. Autrefois élevée au rang de héroïne nationale, elle est aujourd’hui dans le viseur des autorités.
Elle a quitté la compétition et gère depuis deux ans des écoles d’entraînement de natation pour les enfants bélarussiens.
Elle nous a confié le dilemme auquel elle été confrontée : parler ou se taire.
Nous louons des piscines publiques pour organiser nos cours. Elles appartiennent toutes à l’État. J’ai réalisé que si je parlais, mes collègues en pâtiraient, tout comme les enfants. Au départ, je ne savais pas quoi faire, et au bout de quelques jours, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas garder le silence.
Alyaksandra Herasimienia, nageuse bélarusse trois fois médaillée olympique
Action de solidarité avec le peuple biélarusse le 13 juillet 2021 à Dublin, Irlande / © Artur Widak/NurPhoto
L’ancienne championne du monde bélarusse est aujourd’hui réfugiée en Lituanie. Elle a pris la tête de la Fondation biélorusse de solidarité sportive (BSSF), ONG qui a pour but de soutenir les athlètes qui subissent des représailles du pouvoir de Minsk en raison de leurs opinions politiques. La fondation a fait pression avec succès sur le Comité international olympique (CIO) pour réclamer que le président Alexandre Loukachenko ne soit plus à la tête du Comité olympique national et pour que des rencontres sportives internationales n’aient pas lieu au Bélarus.
Alyaksandra Herasimienia et le directeur de la Fondation bélarusse de solidarité sportive, sont accusés « d’incitation à des actions visant à porter atteinte à la sécurité nationale du Bélarus », une infraction passible d’une peine pouvant aller jusqu’à sept ans de prison.
La situation des droits humains dans ce pays aux portes de l’Europe est préoccupante. Les sportifs bélarussiens paient le prix fort pour avoir osé s’exprimer. Nous devons nous montrer solidaires auprès d’eux et faire toute la lumière sur les violations des droits au Bélarus.
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