En France, des lois et discours portent atteinte aux droits des personnes exilées. Alors que nous traversons un moment crucial, il n'a jamais été aussi important de se mobiliser pour les droits des personnes exilées face à la montée des mouvements anti-droits en Europe et en France. Il faut changer la perception des migrations et sortir du narratif de la « menace ».
Dans ce contexte et à l'occasion du 20 juin, journée mondiale des réfugiés, notre président Jean-Claude Samouiller prend la parole pour rappeler que le respect des droits des personnes exilées doit être au cœur de l'action publique. Les droits humains ne se négocient pas et c'est notre devoir à toutes et à tous de les défendre.
Sensation de déclin social, abandon de services publics dans les régions périphériques et rurales : le résultat des élections européennes en France n’est certes pas uniquement lié aux questions migratoires. Le constat est cependant là : plus de la moitié de l’électorat français qui a voté pour des partis qui se sont ouvertement opposés, ces deux dernières décennies, aux droits des personnes exilées. La dangereuse loi asile et immigration, promulguée le 26 janvier 2024, fondée sur des principes de rejet et de méfiance contre les personnes étrangères a constitué un aboutissement de cette dérive démagogique... du moins pour le moment.
À chaque fois, des lois et des mesures de plus en plus répressives et attentatoires aux droits les plus élémentaires ont suscité des débats artificiels, hors-sol, et de plus en plus biaisés, par certaines chaînes d’information politiquement orientées, ainsi que sur des réseaux sociaux dont nous avons su démontrer que les algorithmes entretiennent les discours de haine. En montant en épingle des faits divers, en amalgamant ou généralisant des situations complexes sans prendre le temps d’une analyse rigoureuse, en n’effectuant pas suffisamment de modération des propos racistes et xénophobes, ces médias ont distillé le poison de la xénophobie. Pourtant, de nombreuses assertions prononcées sont en totale opposition avec les recherches effectuées sur le sujet et les constats directes des associations de terrain.
Aussi des propos hors-sols devenus les principales sources d’information de certains électeurs et électrices. Ils ont alimenté et diffusé une peur et une défiance des personnes étrangères et ont sans nul doute joué sur le vote y compris dans des régions où l’immigration n’existe pas ou presque.
L’Union européenne a probablement contribué à alimenter ce climat délétère, en adoptant des mesures de plus en plus restrictives et en passant de plus en plus d’accords avec les pays tiers pour le contrôle des migrations, y compris avec des régimes qui ne sauraient garantir la sécurité des personnes exilées, et violent de plus en plus leurs droits (Libye, Tunisie, Egypte, etc.).
Les Etats membres de l’UE se sont par ailleurs rendus directement coupables de violence et d’autres atteintes aux droits humains à leurs frontières, en refoulant violemment des personnes migrantes, en les remettant entre les mains de pays ne pouvant assurer leur sécurité, ou en refusant de prêter secours à des embarcations en détresse. Loin de chercher à atténuer ces effets, les agences de l’Union, comme Frontex, n’ont pris aucune mesure contre ces violations, et ont a contrario transmis des informations aux Etats qui interceptent ces personnes migrantes, comme la Libye.
Il y a un an, quasiment jour pour jour, le naufrage de Pylos entraînait la mort de plus de 600 personnes exilées illustrant la négation flagrante des droits des personnes migrantes. Ce naufrage, édifiant par le nombre de ses victimes, n’a malheureusement pas été le seul. La mer Méditerranée reste à ce jour la voie la plus dangereuse, quand le nombre de victimes exilées sur les routes des migrations (Balkans, Méditerranée, Manche, Pyrénées, Atlantique), ne cesse de s’accroître.
Plutôt que de chercher à leur porter secours, certains États, comme la France, la Grèce, ou encore l’Italie, s’en prennent de plus en plus régulièrement aux défenseurs des droits des personnes migrantes qui ont cette année encore été harcelés judiciairement. Certains ont également été diffamés et ont subi des campagnes médiatiques nauséabondes, les accusant d’être des complices des passeurs.
Pourtant, la gestion par l’Union européenne de l’afflux soudain de personnes réfugiées venues d’Ukraine a montré qu’avec une volonté politique suffisante, les personnes réfugiées pouvaient être accueillies dignement, sans que cela ne pose le moindre problème. De la même manière, les promesses de la France faites pour l’accueil des femmes afghanes qui fuient le régime des talibans montrent là encore que les autorités peuvent s’engager pour protéger les personnes persécutées. Cependant, même si plusieurs milliers d’Afghans ont été évacués par la France en 2021 au retour des talibans, les visas permettant de venir demander l’asile sont depuis accordés au compte-goutte, et souvent avec des délais trop longs, notamment pour les femmes qui ont réussi à fuir dans les pays voisins. Elles y vivent aujourd’hui sous l’épée de Damoclès d’une expulsion de la part des autorités de ces pays.
Des visas pour la liberté des femmes afghanes persécutées
Depuis qu'ils ont pris le pouvoir en août 2021, les talibans mènent une véritable guerre contre les femmes et les filles afghanes en restreignant dramatiquement leurs droits. Cette campagne de persécution fondée sur le genre est organisée, généralisée et systématique. Au regard de notre analyse juridique, elle pourrait constituer un crime contre l'humanité. Dans les semaines après le retour des talibans, la France a accueilli plusieurs milliers de réfugiés et réfugiées fuyant le régime. Emmanuel Macron a également promis de vouloir venir en aide aux femmes afghanes. Mais pour les rares femmes afghanes qui ont réussi à fuir dans les pays voisins comme l'Iran ou le Pakistan, les délais pour obtenir des visas pour la France sont très longs et beaucoup ont subi des mauvais traitements dans les pays d’accueil, et/ou sont menacées d’expulsion. La France doit tenir ses promesses et rompre l’oubli dans lequel ces femmes ont été enfermées.
Ces deux exemples montrent que la mise en place de voies légales et sûres pour l’accueil des personnes exilées est un choix plus fiable et moins attentatoire à la vie humaine. Il serait également beaucoup moins anxiogène pour les personnes migrantes, comme pour les habitants des pays hôtes.
Le scrutin législatif des 30 juin et 7 juillet prochain est un moment crucial pour notre pays et pour les droits humains. La France doit aujourd’hui changer totalement de paradigme sur la question des migrations et ne plus dépeindre celles-ci comme une menace potentielle, ou l’utiliser comme un argument électoraliste, ce qui in fine, aboutit inévitablement au pire. Tout comme dans d’autres domaines (surveillance, liberté d’expression, droit de manifestation, etc.), sérieusement menacés ces dernières années, il est temps de montrer une voie plus respectueuse des droits humains.