Nous venons de publier notre rapport annuel sur le recours à la peine de mort dans le monde sur l’année écoulée. Le bilan ? Le nombre d’exécutions et de condamnations enregistrées sur l’année 2020 est le plus bas de la décennie ! Une bonne nouvelle oui, mais à nuancer. Malgré la pandémie de Covid-19, certains pays n’ont pas ralenti le rythme des exécutions – l’accélérant même, dans certains cas.
Au niveau mondial, au moins 483 personnes ont, à notre connaissance, été exécutées en 2020. Ce chiffre désolant est cependant le plus faible que nous ayons enregistré depuis au moins dix ans. Il représente une baisse de 26 % par rapport à 2019, et de 70 % par rapport au pic de 1 634 exécutions recensées en 2015.
Le virus de la peine de mort
Les difficultés sans précédent engendrées par le Covid-19 n’ont pas suffi à dissuader dix-huit pays de procéder à des exécutions en 2020. En effet, alors qu’un combat était livré partout à travers le monde pour protéger la vie des personnes face à la pandémie, plusieurs gouvernements se sont de façon inquiétante acharnés à recourir à la peine de mort et à procéder à tout prix à des exécutions.
La peine de mort est un châtiment abominable, et la poursuite des exécutions en pleine période de pandémie ne fait que souligner davantage encore la cruauté qui lui est inhérente. Il est déjà difficile, dans le meilleur des cas, de s’opposer à une exécution, mais en raison de la pandémie, de nombreuses personnes sous le coup d’une sentence capitale n’ont pas pu avoir accès en personne à un avocat, et un grand nombre de personnes désireuses d’apporter leur soutien ont été contraintes de s’exposer à des risques considérables, pourtant évitables, pour leur santé.
Dans plusieurs pays, les restrictions liées au Covid-19 ont eu des répercussions préoccupantes sur le droit à un procès équitable. Par exemple, aux États-Unis, des avocats de la défense ont rapporté avoir été dans l’incapacité de mener un travail d’enquête crucial ou de rencontrer leur client en personne. Dans de telles conditions, le recours à la peine de mort constitue une attaque encore plus odieuse contre les droits humains.
Une baisse de 26 % des exécutions par rapport à 2019
Notre rapport indique que cette chute du nombre d’exécutions résulte de la baisse enregistrée dans certains pays non abolitionnistes et, dans une moindre mesure, de l’interruption des exécutions décidée dans certains cas en raison de la pandémie.
Le nombre d’exécutions recensées en Arabie saoudite a chuté de 85 %, passant de 184 en 2019 à 27 en 2020, et de plus de 50 % en Irak, où il est passé de 100 en 2019 à 45 en 2020. Aucune exécution n’a été recensée à Bahreïn, en Biélorussie, au Japon, au Pakistan, à Singapour et au Soudan, alors qu’en 2019 ces pays avaient tous appliqué des sentences capitales.
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Le nombre de condamnations à mort recensées à travers le monde (au moins 1 477) a également diminué, avec une baisse de 36 % par rapport à 2019. À noter également, une diminution du nombre de condamnations à mort dans trente des cinquante-quatre pays où des sentences capitales ont été recensées. Cette baisse est apparemment liée dans plusieurs cas à des retards et des reports concernant les procédures judiciaires dus à la pandémie.
Un militant opposé à la peine de mort manifeste devant le pénitencier des États-Unis à Terre Haute, Indiana, 15 janvier 2021 © REUTERS/Bryan Woolston
Les mauvais élèves de notre rapport
En Chine, les informations sur le nombre total d’exécutions et de condamnations à mort sont classées secret d’État. Il est donc impossible de surveiller de façon indépendante la situation dans ce domaine. Les statistiques relatives à toutes les exécutions qui ont été recensées ne comprennent donc pas les exécutions qui ont eu lieu en Chine. Cependant, on estime que la Chine procède chaque année à plusieurs milliers d’exécutions, ce qui la classe en tête des pays où ont lieu le plus grand nombre d’exécutions, devant l’Iran (246+), l’Égypte (107+), l’Irak (45+) et l’Arabie saoudite (27).
En Égypte, le nombre d’exécutions enregistré durant l’année a triplé, le pays se classant ainsi au troisième rang mondial en 2020. Au moins vingt-trois des personnes exécutées ont été condamnées à mort dans des affaires liées à des violences politiques et à l’issue de procès manifestement iniques, entachés par l’utilisation d’« aveux » extorqués et par d’autres graves violations des droits humains, notamment la torture et la disparition forcée.
Le nombre d’exécutions recensées en Iran a continué d’être inférieur à celui qui avait été relevé les années précédentes, mais le pays a de façon croissante utilisé la peine de mort comme arme de répression politique contre les dissidents, les manifestants et les membres de minorités ethniques, en violation du droit international.
Les États-Unis ont été le seul pays des Amériques à avoir procédé à des exécutions en 2020. En juillet, le gouvernement de Donald Trump a procédé à la première exécution fédérale depuis dix-sept ans, et cinq États ont à eux seuls exécuté sept personnes.
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D’autres exceptions notables à la tendance abolitionniste ont été observées en Indonésie, où le nombre de condamnations à mort recensées en 2020 (117) a augmenté de 46 % par rapport à 2019 (80) et en Zambie, ce pays ayant prononcé 119 condamnations à mort en 2020 (soit dix-huit de plus qu’en 2019). Ce chiffre est le plus élevé enregistré en Afrique subsaharienne.
De nombreux pays de la région Asie et Pacifique ont continué à violer le droit international et les normes connexes qui interdisent le recours à la peine de mort pour les crimes qui ne relèvent pas de l’homicide intentionnel. Des condamnations à mort ont ainsi été prononcées pour des infractions à la législation sur les stupéfiants en Chine, en Indonésie, au Laos, en Malaisie, à Singapour, au Sri Lanka, en Thaïlande et au Vietnam ; pour corruption en Chine et au Vietnam ; et pour blasphème au Pakistan.
Au Bangladesh et au Pakistan, des sentences capitales ont été prononcées par des tribunaux qui ont été créés au titre de lois spéciales et qui suivent généralement une procédure distincte de celle des tribunaux de droit commun. Aux Maldives, cinq personnes âgées de moins de 18 ans au moment des faits qui leur étaient reprochés étaient toujours sous le coup d’une sentence capitale.
Vers une abolition mondiale ?
Même si certains gouvernements ont continué d’utiliser la peine de mort, le bilan pour 2020 est globalement positif. Le Tchad a aboli la peine capitale, de même que l’État du Colorado aux États-Unis. Le Kazakhstan, pour sa part, s’est engagé à l’abolir au titre du droit international, et la Barbade a procédé à des réformes afin de supprimer l’imposition obligatoire de la peine capitale.
En avril 2021, 108 pays ont déjà aboli la peine de mort pour tous les crimes, et 144 pays l’ont abolie en droit ou dans la pratique. En outre, le 16 décembre 2020, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution relative à l'instauration d'un moratoire sur les exécutions dans l'objectif d'abolir totalement la peine de mort : 123 États se sont prononcés en faveur de cette proposition. Les États qui maintiennent la peine de mort doivent considérer ce résultat comme un signal d’alerte. Les exécutions cautionnées par l’État n’ont plus leur place dans le monde moderne.
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La Virginie est récemment devenue le premier État du Sud des États-Unis à avoir supprimé la peine de mort, et plusieurs projets de loi visant à l’abolir au niveau fédéral sont en instance devant le Congrès des États-Unis. Dans ce contexte de mouvement mondial persistant vers l’abolition de la peine de mort, nous demandons au Congrès des États-Unis de soutenir les initiatives législatives visant à l’abolition de ce châtiment.
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