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Manifestation contre l"exécution de Daniel Lewis Lee à Terre Haute, Indiana
Manifestation contre l'exécution de Daniel Lewis Lee à Terre Haute, Indiana © REUTERS
Peine de mort et torture

Peine de mort en 2021 : les assassinats étatiques en augmentation

Nous venons de publier notre rapport annuel sur le recours à la peine de mort dans le monde en 2021. Le bilan ? Inquiétant. Le nombre d’exécutions recensées a augmenté par rapport à 2020 notamment en Iran et en Arabie saoudite, ainsi que le nombre de condamnations à mort. Une hausse due à l’allégement des restrictions liées à la pandémie de Covid-19.

À retenir

L’Iran a enregistré un nombre d’exécutions qui n’avait jamais été aussi élevé depuis 2017 ;

Malgré cette évolution préoccupante, le nombre total d’exécutions recensées en 2021 est le deuxième chiffre le plus bas depuis au moins 2010 ;

L’allègement des restrictions liées à la pandémie de Covid-19 a été suivi d’une brusque augmentation du nombre de condamnations à mort recensées ;

Près de 90 personnes ont été condamnées à mort sous le régime de la loi martiale au Myanmar.

En 2021, nous avons enregistré au moins 579 exécutions dans 18 pays, ce qui représente une augmentation de 20 % par rapport à 2020⁠. Cette hausse inquiétante est due à la levée des restrictions liées à la pandémie de Covid-19.

Cartographie de l'utilisation de la peine de mort en 2021

Les « champions » des exécutions

Après la chute du nombre d’exécutions recensées en Iran et en Arabie saoudite en 2020, ces pays ont de nouveau intensifié leur recours à la peine de mort. Ce retour à un recours massif aux exécutions n’a en outre montré aucun signe d’essoufflement dans les premiers mois de 2022.

Agnès Callamard, secrétaire générale de notre mouvement

L’Iran est le pays qui a le plus contribué à la hausse des exécutions, avec au moins 314 exécutions recensées en 2021 (contre au moins 246 en 2020), un total qui n’avait jamais aussi élevé depuis 2017. Cela résulte en partie d’une augmentation sensible du nombre d’exécutions liées à des infractions à la législation sur les stupéfiants. Le nombre d’exécutions recensées concernant des personnes condamnées pour des infractions liées aux stupéfiants a plus que quintuplé, passant de 23 en 2020 à 132 en 2021. Or, le recours à la peine de mort pour une infraction autre que l’homicide volontaire est interdit par le droit international.

Lire aussi : Ces cinq pays qui ont exécuté le plus en 2021

À notre connaissance, le nombre de femmes exécutées a également augmenté, passant de neuf à 14, et les autorités iraniennes ont continué de bafouer d’ignoble façon les droits des enfants en exécutant trois personnes qui étaient âgées de moins de 18 ans au moment des faits qui leur étaient reprochés.

C’est le cas d’Arman Abdolali, un jeune homme de 25 ans condamné à mort pour un crime survenu alors qu’il était mineur. En décembre 2021, nous avons appris, avec énormément de tristesse et de colère, son exécution.

Lire aussi : En Iran, exécution secrète d'un jeune homme

314exécutions en Iran en 2021
246exécutions en Iran en 2020

Parallèlement à cela, en Arabie saoudite le nombre d’exécutions a plus que doublé. Le nombre d’exécutions enregistrées est passé de 27 à 65 (une hausse de 140%. Malheureusement, cette triste tendance se poursuit en 2022 avec l’exécution de 81 personnes en l’espace d’une seule journée en mars.

Levée des restrictions sanitaires et exécutions

2 052condamnations à mort prononcées en 2021
1 477condamnations à mort prononcées en 2020

À la suite de la levée dans de nombreuses régions du monde des restrictions liées au Covid-19, qui avaient ralenti les procédures judiciaires, les juges ont prononcé au moins 2 052 sentences capitales dans 56 pays – ce qui représente une augmentation de près de 40 % par rapport à 2020. Des pics ont été constatés par exemple au Bangladesh (au moins 181 contre au moins 113), en Inde (144 contre 77) et au Pakistan (au moins 129 contre au moins 49).

Au lieu de tirer parti des interruptions qui ont eu lieu en 2020 en mettant une place de nouvelles solutions efficaces pour lutter contre la criminalité, une minorité d’États ont choisi avec un enthousiasme préoccupant de recourir de nouveau à la peine de mort. 

Agnès Callamard

Le nombre d’exécutions a considérablement augmenté non seulement en Arabie saoudite (65 en 2021 contre 27 en 2020), mais aussi en Somalie (au moins 21 contre au moins 11), au Soudan du Sud (au moins neuf contre au moins deux) et au Yémen (au moins 14 contre au moins cinq). Le Bélarus (au moins une), le Japon (trois) et les Émirats arabes unis (au moins une) ont quant à eux procédé à des exécutions en 2021 alors qu’ils s’en étaient abstenus en 2020. 

Lire aussi : Les six méthodes d'exécutions encore utilisées dans le monde

De fortes hausses du nombre de condamnations à mort, par rapport à 2020, ont par ailleurs été enregistrées en République démocratique du Congo (au moins 81 contre au moins 20), en Égypte (au moins 356 contre au moins 264), en Irak (au moins 91 contre au moins 27), au Myanmar (au moins 86 contre au moins une), au Viêt-Nam (au moins 119 contre au moins 54) et au Yémen (au moins 298 contre au moins 269).

Des exécutions tenues secrètes

Comme les années précédentes, les totaux mondiaux enregistrés concernant les condamnations à mort et les exécutions ne comprennent pas les milliers de personnes qui ont été condamnées à mort ou exécutées en Chine, ni les nombreuses exécutions qui ont probablement eu lieu en Corée du Nord et au Viêt-Nam. En raison du secret qui entoure ces pratiques dans ces trois pays et d’un accès très restreint aux informations à leur sujet, il est impossible d’établir des statistiques fiables. Par ailleurs, les totaux enregistrés pour un certain nombre d’autres pays doivent être considérés comme des chiffres minimums. 

La peine de mort : un instrument de répression 

Dans plusieurs pays, la peine de mort a été utilisée en 2021 en tant qu’instrument de répression étatique contre des minorités et des opposants au régime en place.

28 670C’est le nombre de personnes sous le coup d’une condamnation à mort en 2021

L’utilisation de la peine de mort a augmenté de façon alarmante sous le régime de la loi martiale au Myanmar, où les autorités militaires ont transféré à des tribunaux militaires le pouvoir de juger des personnes civiles, dans le cadre de procédures sommaires et sans possibilité de faire appel des décisions rendues. Près de 90 personnes ont été condamnées à mort de façon arbitraire, dans plusieurs cas en leur absence, dans un contexte largement perçu comme constituant une campagne de répression des opposants politiques et des journalistes. 

Les autorités égyptiennes ont continué de recourir à la torture et à des exécutions collectives, souvent à l’issue de procès inéquitables tenus devant les cours de sûreté de l’État. En Iran, la peine de mort a été utilisée de façon disproportionnée contre des membres de minorités ethniques accusés d’infractions formulées en termes vagues, telles que l’« inimitié à l’égard de Dieu ». Au moins 19 % des exécutions recensées (61) ont concerné des membres de la minorité ethnique baloutche, alors que cette minorité ne représente qu’environ 5 % de la population totale de l’Iran. 

Citons au nombre des victimes du système judiciaire profondément défaillant de l’Arabie saoudite Mustafa al Darwish, un jeune chiite saoudien qui avait été condamné pour sa participation présumée à des manifestations violentes contre le gouvernement. Il a été exécuté le 15 juin à l’issue d’un procès inique basé sur des « aveux » extorqués au moyen de la torture. 

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Des signaux encourageants vers l’abolition

Manifestation contre la peine de mort à Bloomington (États-Unis) - 12 janvier 2021

Manifestation contre la peine de mort à Bloomington (États-Unis) - 12 janvier 2021 © Jeremy Hogan / SOPA Images/Sipa via Reuters Connect

657exécutions en 2019
483exécutions en 2020
579exécutions en 2021

Malgré ces statistiques préoccupantes, des signes positifs ont été constatés pendant toute l’année 2021. Le nombre total d’exécutions recensées en 2021 représente le deuxième total mondial le plus faible après l’année 2020.

En Sierra Leone, un projet de loi visant à abolir la peine de mort pour tous les crimes a été adopté à l’unanimité par le Parlement en juillet ; ce texte n’est toutefois pas encore entré en vigueur.

En décembre, le Kazakhstan a adopté une loi abolissant la peine de mort pour tous les crimes, qui est entrée en vigueur en janvier 2022.

Le gouvernement de la Papouasie-Nouvelle-Guinée a engagé une consultation nationale sur la peine de mort qui a abouti à l’adoption en janvier 2022 d’un projet de loi sur l’abolition, lequel n’est pas encore entré en vigueur.

À la fin de l’année, le gouvernement de la Malaisie a annoncé pour le troisième trimestre de 2022 des réformes législatives portant sur ce châtiment.

En République centrafricaine et au Ghana, le corps législatif a entamé un processus législatif, toujours en cours, visant à l’abolition de la peine capitale. La Virginie est devenue le 23e État abolitionniste des États-Unis et le premier dans le sud du pays, et pour la troisième année consécutive, l’Ohio a différé ou suspendu toutes les exécutions qui étaient prévues. Le nouveau gouvernement des États-Unis a instauré en juillet un moratoire provisoire sur les exécutions fédérales. Le nombre d’exécutions recensées aux États-Unis en 2021 n’a jamais été aussi faible depuis 1988.

La Gambie, le Kazakhstan, la Malaisie, la Russie et le Tadjikistan ont pour leur part maintenu leur moratoire officiel sur les exécutions. À la fin de l’année 2021, dans plus des deux tiers des pays du monde, la peine de mort était abolie en droit ou en pratique ; 108 États (la majorité des États dans le monde) avaient aboli la peine de mort dans leur législation pour tous les crimes. Si on ajoute les 8 Etats qui ont aboli cette pratique pour les crimes de droits communs et les 28 Etats qui l’ont aboli en pratique (qui n’ont pas eu recours à cette pratique depuis au moins 10 ans), ce sont 144 qui étaient abolitionnistes en droit ou en pratique.

La minorité de pays qui continuent d’utiliser la peine de mort doivent le savoir : un monde débarrassé des homicides cautionnés par les pouvoirs publics est non seulement envisageable, mais aussi à notre portée, et nous allons continuer de nous battre pour atteindre cet objectif.

Agnès Callamard

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