Onze pays, dont les États-Unis et la France, ont signé une déclaration commune visant à limiter la “prolifération et les mauvais usages” des logiciels espions comme Pegasus. Une première mondiale qui rappelle les dangers que font peser les technologies de cybersurveillance sur les droits humains.
Le 27 mars 2023, Joe Biden a signé un décret limitant l’achat et l’utilisation de logiciels espions privés par toutes les branches et agences gouvernementales américaines. Ce texte vient interdire les logiciels qui posent « des risques importants » de sécurité pour les États-Unis, ou des « risques importants » de détournement par un gouvernement étranger qui pourrait violer les droits humains, selon un communiqué de la Maison-Blanche.
Cette décision majeure du président américain, prise dans le cadre du second « sommet pour la démocratie », a entraîné d’autres prises de positions fortes sur le sujet. Une semaine après la décision du gouvernement américain, plusieurs Etats ont signé une déclaration commune pour « contrer la prolifération et les mauvais usages des logiciels espions commerciaux ». En plus des États-Unis, ce texte a été signé par la France, l’Australie, le Canada, le Costa Rica, le Danemark, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Suisse, la Suède, et le Royaume-Uni.
Il s’agit d’une avancée prometteuse et sans précédent dans la lutte contre le secteur opaque et hors de contrôle de la cybersurveillance.
Cette première déclaration conjointe envoie un signal important qui, nous l’espérons, encouragera d’autres Etats à se mobiliser.
Katia Roux, chargée de plaidoyer Technologies & Droits Humains à Amnesty France
Problème mondial, réponse mondiale
Katia Roux, notre chargée de plaidoyer sur les questions technologies et droits humains rappelle qu’« il appartient en premier lieu aux Etats d’agir pour mettre fin à la crise de la surveillance numérique ciblée. Pourtant, de plus en plus de gouvernements utilisent de manière abusive les technologies de cybersurveillance. » C'est ce qu'ont dévoilé les révélations Pegasus de 2021, en alertant sur les dangers des logiciels espions que plusieurs pays utilisent en total violation des droits humains pour surveiller des journalistes, militants des droits humains, avocats, etc. D’où le besoin urgent de régulation du secteur. Katia Roux précise : « Chaque action allant dans le sens d’une reconnaissance des dangers des logiciels espions et de la nécessité de prendre des mesures est donc importante. »
Nos alertes sont entendues
En octobre 2022, une délégation d’Amnesty International s’est rendue à New-York pour porter les sujets liés à la cybersurveillance à l’occasion de la 77e session de l’Assemblée générale des Nations unies. Katia Roux, qui faisait partie de cette délégation, a rencontré en tant que chargée de plaidoyer des représentants de plusieurs États membres pour les interpeller sur la nécessité de réguler ces technologies : « Depuis des mois, nous exhortons les États à prendre des mesures fortes pour mettre fin à la cybersurveillance illégale. Lors de notre déplacement à l’ONU, nous avons rencontré des représentants de plusieurs États membres, notamment de la France, du Costa Rica et de la Suisse. Nous sommes heureux de voir figurer ces États parmi les onze signataires de la déclaration, et nous les invitons à poursuivre dans cette voie et à transformer les paroles en actes. »
Le besoin d’encadrer les technologies de cybersurveillance
Bien que ces déclarations marquent des étapes importantes dans la lutte contre les logiciels espions, elles doivent désormais se traduire dans des actes concrets garantissant les droits humains. Depuis les révélations Pegasus, notre organisation continue de documenter l’utilisation abusive de logiciels espion et les questions liées à la cybersurveillance « Nous venons de mettre en lumière une nouvelle campagne de piratage informatique en Indonésie, au Bélarus, aux Émirats arabes unis et en Italie qui visent les systèmes d'exploitation Android de Google. Suite à nos alertes, Google et d'autres fournisseurs ont publié des mises à jour liées à la sécurité afin de protéger leurs utilisateurs d'attaques dont ils pouvaient faire l'objet », explique Katia Roux.
Notre mobilisation est donc loin d’être terminée et se poursuivra jusqu’à la mise en place d’un cadre réglementaire véritablement respectueux des droits humains. En attendant, nous demandons la mise en place d’un moratoire mondial sur l’utilisation, la vente et le transfert de ces technologies. Il en va de nos droits à toutes et tous.
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